toujours aussi évidente qu’on veut le prétendre
(Nous croyons que la prononciation du ch
allemand, en espéranto, doit présenter bien
des difficultés). Ensuite, la simplicité trop
grande de l’idiome est un écueil plutôt qu’un
avantage : le sens d’un mot formé au moyen
d’une vague racine et de préfixes et suffixes
reste nécessairement indécis. On supprime
déclinaisons et conjugaisons ; c’est fort bien.
Mais on ne met rien à la place qui puisse
préciser l’expression de la pensée ; elle reste
ainsi très imparfaite. La grammaire devient
tellement élémentaire qu’elle semble vouloir
ressembler à celle du petit-nègre ; et nul ne
peut prétendre imposer pareil langage, si sim
plifié soit-il, pour servir d’instrument aux
relations internationales. Encore moins ima
ginerait-on une traduction de Shakespeare ou
de Dante en un si piètre idiome !
Il est clair que toutes ces langues, fabriquées
dans le cabinet de travail d’un savant, sont
condamnées à disparaître* Aussi voit-on peu de
philologues — à part l’un des plus grands,
l’allemand Seidel — qui en soient partisans.
D’ailleurs, quel pourrait être leur sort ? Ou
bien elles resteront immuables et figées, comme
une langue morte ; personne ne s’en servira,
et elles tomberont bien vite dans l’oubli. Ou
bien, elles deviendront langues vivantes, évo
lueront et auront disparues au bout de quelques
années. Aucun congrès ne pourra éviter
l’évolution différente chez les divers peuples,
et le schisme deviendra inévitable.
On veut une langue internationale ? Mais
trouve-t-on que le monde ne renferme pas
assez d’idiomes différents pour qu’on éprouve
le besoin d’en créer un nouveau ?
Que ne prend-on le latin, voire le sanscrit
comme langue universelle ? Ces langues sont
difficiles, il est vrai, mais elles sont aussi d’une
grande commodité pour exprimer toutes les
nuances, toutes les finesses de l’idée. On nous
objectera que l’extrême complication du sans-
scrit par exemple, rend cette langue inapte
à être enseignée aux masses populaires. C’est
vrai ; mais, il n’est pas probable que, dans un
avenir très rapproché, les relations inter
nationales s’étendent tellement que les Lapons
doivent converser journellement avec les
Abyssiniens !
Et puis, nous abandonnons volontiers la
défense des langues mortes. Qu’on prenne
tout simplement une langue vivante : on n’a
que l’embarras du choix. Les espérantistes,
idistes, etc, objecteront que cela n’est guère
possible, qu'il faut ménager les susceptibilités
nationales. Il y a du vrai, mais se rappelle-t-on
que beaucoup d’allemands ne voulaient
adopter l’esperanto parce que son inventeur
est un polonais, et parce que la langue renferme
trop de racines latines, pour un tout petit
nombre de racines germaniques ? C’est d’un
nationalisme outré, nous en convenons ; mais
cela prouve que l’inconvénient est presque
aussi grave pour les langues artificielles que
pour les langues naturelles.
Ensuite, parmi les langues européennes, il
n’y en a que trois ou quatre qui puissent
sérieusement être prises en considération. On
peut écarter tout de suite le russe, et même
l’allemand, comme trop difficiles ; nous reste
rions en présence de trois langues essentielles :
la française, l’anglaise et l’espagnole. Cette
dernière, quoique présentant l’avantage d’être
extrêmement simple, devra être écartée pour
tant, à cause de son caractère international
trop peu prononcé et de la dislocation dont
elle semble quelque peu menacée ces derniers
temps. Il s’agirait donc de choisir entre la
langue française et l'anglaise.
La langue française présente évidemment
de grands avantages : elle est l’héritière du
latin qui, lui, était la langue universelle du
moyen-âge et de la Renaissance, même du