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ÇA IRA ! 
Voici mes jours de haine. — 
Et ce sont les seuls jours que je voudrais chasser, 
que je voudrais anéantir, 
ce sont ceux-là qui me meurtrissent les épaules, 
ce sont les fers rougis qui me torturent, 
c’est la vision qui me surgit à chaque instant, devant mes yeux, 
pour que je me méprise et que je me haïsse. 
Voici mes jours de rêve, d'amour et de soleil. — 
Et ce rêve est pour moi comme un printemps lointain, 
— un souvenir qui garde encore dans ses replis 
le frisson d’un parfum très aimé et très lointain. — 
Et cet amour n’a plus le même son que celui 
— plus sourd et plus vibrant — qui fait chanter mon âme aujourd’hui. 
Et ce soleil est plus pâle, plus irréel, moins enivrant 
que le soleil dont ma fenêtre a ruisselé tout le jour. 
Voici mes jours de deuil et mes jours de bonheur. — 
Et le deuil s'est éclairci, et le bonheur s’est étiolé 
et ils s’en vont aujourd'hui, presque semblables, 
par les chemins, sans fleurs, de ma mémoire. 
Voici mes jours d’enfance, mes jours d'adolescent, 
et ceux que j’ai vécus quand je devenais homme. — 
Et mes jours d’enfant n’ont plus leur fraîcheur, 
mes jours d'adolescent n’ont plus leur fièvre, 
et les derniers ne reflètent plus ma naïve vanité. 
Voici mes jours de jeu et mes jours de travail, 
quand le travail était une charge et quand le jeu était une joie. — 
Et mes jours de travail ne sont plus aussi sombres, 
et je regrette un peu toutes ces heures données à tous ces jeux. 
Jours d'autrefois, vous m’êtes étrangers. 
Vous êtes des inconnus qui frappez à ma porte, 
et vous que j’ai vécus, si lentement, comme à tâtons 
je ne reconnais plus vos faces identiques. 
Vous êtes des anonymes, de pauvres morts anonymes. 
Moi seul je vous ai aimés, et l'oubli m’enténèbre... 
Et vous restez en moi, accumulés, sans sépulture, 
tandis que je passe entre vous, conduit par le souvenir, 
et très triste, de vous voir déjà si nombreux.