Volltext: Ça ira (5 = 1920, août)

ÇA IRA ! 
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SXQUOSS 
cylindre à la coupole. Les chevaux 
étaient remplacés par des boîtes puantes, 
nommées automobiles. Dans l'azur vrom- 
brissaient des perroquets métalliques, 
appelés aéroplanes. Un jargon bousculé, 
fiévreux, dont je ne parvins à saisir le 
sens qu’après de douloureux efforts, 
s'était substitué au langage précis de 
nos contemporains. Je suis devenu fou. 
Avec patience, je rétablirai ma raison 
et m'expliquerai ces bouleversements 
inombrables. Parmi des gens irrespec 
tueux de la tradition et des cerveaux 
échauffés au point d'en sauter, je ne 
saurai rien sans ordre. 
J'étais sans guide. 
Je me souvins d'un monsieur du 
Patelin, tailleur dont j'appréciai, il y a 
trois siècles, l'esprit malin. Je m’informai 
de sa demeure et m’y rendis avec l'espoir 
d'obtenir un éclaircissement. On m’an 
nonça que monsieur du Patelin était 
mort depuis deux cents ans, mais que 
son petit-fils, le citoyen Casimir Dupa- 
telin me recevrait volontiers. On m’in 
troduisit dans un salon malsain. Les 
murs étaient couverts de papier peint 
qui me tournait le cœur. J'étais malade. 
Mon sang dégringolait de la tête aux 
pieds et remontait des pieds à la tête 
avec une vitesse vertigineuse. Mon 
moment de quitter cette terre avait 
sonné. A deux genoux et le visage 
tourné vers la Mecque, j’invoquais le 
Saint Pierre Mahomet, quand une cloison 
remua, oû un individu mal lavé, sans 
perruque, grossier, impudique, m’appa 
rut. Il me poussa sous le nez un poing 
minuscule en signe de bienvenue. J’étais; 
estomaqué (néologisme audacieux). Je 
me redressai. Je dévisageai cet imper 
tinent infidèle qui m’intimidait à cesser 
mon intime introït in Mahomet, et qui 
prétendit être Casimir ! 
Casimir parla comme un cacatoès. Il 
m’enduisit d’éloges. Il me gava de 
couques dégoûtantes et de boissons 
vomitives. Il eut des gestes si véhéments 
et si hautains que je ne pouvais me 
lasser de l’admirer. Il me dit avec con 
viction : “ Camarade, votre visite me 
comble de gratitude. Je suis à vos ordres. 
Ma joie est colossale. Vous êtes mieux 
qu’un intellectuel ; vous êtes un persan. 
Je suis poète ; je suis une gloire. Voici 
mes œuvres (il chargea mes bras de 
livres, de brochures et de journaux). 
Portez mon salut à vos frères et accla 
mez, en mon nom, leur vaillante litté 
rature. „ 
Ce gendelettre était délicieux. En le 
quittant, je nourrissais à son égard les 
meilleurs sentiments. 
J'allai souvent chez lui, et j’appris plus 
de sottises que cervelle humaine n’en 
peut contenir. Leur récit est intermi 
nable. 
Casimir Dupatelin vit entre des pan 
neaux bariolés et des statuettes difformes 
appartenant à l’art futuriste. Je n'osai 
pas lui demander pourquoi, mais il me 
semblait impropable qu’un combat de 
coqs avait une similitude avec un nau 
frage de sous-marin ; qu’un portrait de 
femme et une compote de prunes étaient 
parents ; qu’un pavé affreux perpétuait 
l'image d’un grand homme. 
Il fume de pesants rouleaux de tabacs 
(cigares ?) et dévore des ouvrages 
incompréhensibles (drames dada), s’il 
n'est pas accroché à un appareil immoral 
où il crie des discours hachés (téléphone), 
li se couche à l’aube et s’éveille la nuit. 
Alors, il sê faufile parmi des éclairs et
	        
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