Volltext: Intervention surréaliste (1)

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Il a été servi. M. Lebrun, cette sensitive, se 
garderait bien d’arrêter le couperet de la 
guillotine. Décidément, son septennat nous 
rajeunit de vingt ans. Nous pouvons nous 
croire encore à l’heureuse époque où M. 
Poincaré disposait du droit de grâce. Et il 
n’abusa point de cette prérogative prési 
dentielle dont bénéficia une seule des fem 
mes condamnées à mort par les conseils de 
guerre si élégamment désinvoltes. Tout por 
te à croire que cette femme, la Ducimetière, 
dut son salut à l’unique magie d’un nom 
bien fait pour charmer le Lorrain de la re 
vanche fraîche et joyeuse. 
A ce propos, plutôt que de nous égarer 
dans les arcanes de l’occulte, déplorons 
qu’une loi (qui finira bien par être rappor 
tée, du train dont va le gouvernement de 
trêve) interdise aux membres des familles 
ayant régné en France de prendre part, dans 
la métropole et aux colonies, à ces jolis 
massacres organisés par l’impérialisme répu 
blicain. Ainsi, un être aussi bien doué pour 
la tuerie que le feu duc d’Orléans, au lieu 
de pouvoir tuer le boche, le bicot et le 
prolétaire, en a été réduit à chasser le pa 
pillon, la baleine bleue, le gorille, le mou 
flon, la panthère, le lièvre, l’éléphant, l’on 
ce, l’autruche, le tamanoir, le phoque, la 
cigogne, le crocodile, le rat, la loutre, l’ours 
de l’Himalaya, le boa, l’ornithorynque, le 
rhinocéros unieorne, le rhinocéros bicorne, 
la girafe, le bufle, le vampire, le colibri et 
l’hippopotame. 
L’assassinat de tant d’espèces emplit qua 
tre immenses salies d’un musée. Rue Buffon. 
Grâce aux progrès de la taxidermie, tous les 
cadavres sont photogéniques. Un tigre saisit 
à la nuque un éléphant. Un oiseau des In 
des jaune et noir porte à son bec une libel 
lule, comme n’importe quel garçon d’hon 
neur un œillet à sa boutonnière. Dans un 
fouillis de palmes, un tigre mort-né se fait 
assez menaçant pour témoigner de l’audace 
cynégétique de Monseigneur. Tandis qu’on 
empaillait les animaux, on stérilisait les 
plantes, les herbes de leurs contrées origi 
nelles. De tout ce végétal pourtant bien des 
séché, de ces très fragiles papyrus, soudain, 
éclate, en parfums fétides, la lourdeur des 
humidités tropicales. Cet encens monte vers 
des narines de carton. Ainsi, pour des yeux 
de verre, aux murs de cette caserne sans fe 
nêtre, se déroulent les films de l’Arctique, 
du Nil, de la brousse. On pense aux séan 
ces de cinéma édifiant organisées, dans les 
prisons américaines, par les féroces, les niai 
ses bonnes âmes. 
Férocité, niaiserie, nous y revoilà. 
Si de la férocité à la niaiserie, ces deux 
pôles de leur péripatéticiennerie, en guise 
de méridiens, des écrivains lancent leurs 
grosses ficelles, c’est que la prostitution in 
tellectuelle ne va jamais à son business sans 
s’être mise au goût du jour. Les Delteil, 
Montherlant, Morand et consorts n’atten 
dront même pas de pouvoir invoquer l’ex 
cuse de cette nécessité qui, sous le règne du 
militaire contraindra, tôt ou tard, à se mili 
tariser les filles désireuses de ne point mou 
rir de faim. 
Parallèlement au prestige des aviateurs 
très haut bottés, la grande guerre vit éclore 
et croître l’usage putassier des très hautes 
bottes. L’exploiteur, le prostituant ne va 
pas se borner à exiger de l’exploitée, de la 
prostituée qu’elle se réduise à l’état de mar 
chandise, mais encore, gare à cette mar 
chandise si la matière ne s’en laisse point 
façonner. Inflexible dans son orgueil, le 
plus informe Jupiter de saindoux est tou 
jours, selon la formule de Feuerbach, un 
objet psychologique pour lui-même, tandis 
qu’il ne voit jamais qu’un objet physiolo 
gique, un objet à pétrir, à modeler dans 
l’autre, celle qui partage son lit. Il y va 
d’un petit « Je pense donc je suis ». Et son 
« pense » l’on en devine la traduction à 
l’heure de la virilité glorieuse. De même 
que pour l’auteur du Discours de la mé 
thode, les animaux, ainsi, pour le consom 
mateur cartésien les créatures métamorpho 
sées en bêtes à volupté ne sont que des ma 
chines, des mécaniques. Or, les machines 
n’ont pas fini de jouer des mauvais tours à 
l’homme. Celui-ci, en l’occurence, entendait 
manœuvrer à son gré la femme, cette chose, 
sa chose. Or sa chose, cette chose, la femme 
devient la forme où et dont il va se mo 
deler. ' 
Il y a quelques années, à Berlin, au musée 
Hirchfeld, on voyait, documents et preuves 
à l’appui, comment, dès leur retour à la vie 
civile, d’anciens uhlans, du type le plus 
brutal, le plus soudard, le plus trousseur 
de filles, se trouvaient atteints d’éonisme. 
Ils échangeaient tunique, culotte et cale 
çons réglementaires contre corsage, jupe et
	        
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