Volltext: Littérature (3 (1921), 18)

Pour très simple qu’elle soit, une vue de cet ordre bouleverse 
l’univers. La psychologie, la médecine y trouveront leur compte. 
Les biologistes avec leur microscope rappellent les astrologues 
avec leur lunette. Les microbes, qu’on tient pour des animaux, 
font avant tout figure de forces, de même que les émanations 
astrales. Un jour viendra où le médecin pourra formuler son 
diagnostic à la seule vue du visage du malade : un boiteux a 
nécessairement dans le visage quelque chose qui boite. Mais 
une trop grande sagesse risque de compromettre la paix du 
monde : les anciens détenaient de ces secrets et l’on a peut-être 
détruit la bibliothèque d’Alexandrie pour parer à un grand 
danger. Nous ne peinons aujourd’hui que pour retrouver les 
secrets perdus. 
Derain parle avec émotion de ce point blanc dont certains 
peintres de natures-mortes du dix-septième, flamands, hollan 
dais, rehaussaient un vase, un fruit. Ce point, toujours mysté 
rieusement et admirablement placé, n’a pu être aperçu par eux. 
Il est en effet sans rapport avec la couleur de l’objet ou l’éclat 
lumineux et rien ne justifie sa présence en matière de compo 
sition. (On sait que les artistes en question fréquentaient les 
laboratoires d’alchimie.) Cette observation est capitale. Si l’on 
allume une bougie dans la nuit et qu’on l’éloigne de mon œil 
jusqu’à ce que je ne puisse plus distinguer que sa flamme, la 
forme de cette flamme et la distance qui m’en sépare m’échap 
pent. Ce n’est plus qu’un point blanc. L’objet que je peins, l’être 
qui est devant moi ne vit que lorsque je fais apparaître sur 
lui ce point blanc. Le tout est de bien placer la bougie. 
Pourquoi, dans ces conditions, ne pas signer le cadre de carton 
noir qui se découpe sur le mur de chaux ? Le peintre est amené 
à regarder son modèle à travers une série de cadres rectangu 
laires semblables, de dimensions et de couleurs différentes. (Le 
premier soin de ceux qui possédèrent des tabeaux fut de les 
faire encadrer.) Sans cet artifice, comment pourrait-il peindre 
le ciel qui s’étend de toutes parts au-dessus de lui ? Le cas de 
Matisse est assez édifiant : il se peint maintenant dans ses 
tableaux, en se plaçant par la pensée derrière lui-même. Derain 
n’est point tenté pour cela de signer le cadre noir. Il importe 
de prouver, démontrer, ce que le cadre ne fait pas. Si je le 
donne pour autre chose que pour l’image de ce à quoi je tends, 
perfection et mort il devient une figure satanique. N’oublions 
pas que nous sommes obligés d’en passer par la matière. Celle-ci 
vaut avant tout parce qu’elle nous désespère et parce que seul 
le désespoir n’est pas stérile. (Nous ne choisissons l’art que 
comme un moyen de désespérer.) C’est ce que Renoir a mieux 
compris que Cézanne : à quelque examen qu’on le soumette il
	        
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