Volltext: Littérature (3 (1921), 18)

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résiste. Derain fait de Corot un des plus grands génies du monde 
occidental. On n’est pas près d’épuiser le mystère de son art. 
Cézanne, par contre, ne tient qu’à un fil. Sa peinture flatte 
comme la poudre de riz. Cet homme, de qui le monde entier 
s’occupe, s’est peut-être complètement trompé. 
Tout ce qu’ont fait les Egyptiens, les Grecs, les Italiens de la 
Renaissance, est. Quantité d’œuvres modernes ne sont pas. 
Nous ne tenons pas assez compte de l’époque où nous vivons. 
A ceux qui observeront que ce ne sont pas là des idées de 
peintre, on répondra qu’il est impossible d’en avoir d’autres 
aujourd’hui. Prétend-on mettre encore la main sur un homme 
« naturel » ? 
Derain n’est pas subjectiviste. Il nie qu’un ensemble de traits 
quelconque puisse paraître beau. Les trois courbes que voici ne 
m’émeuvent que parce qu’elles forment le signe zodiacal du 
Lion. Rien de plus prémédité. On en peut dire autant des lettres 
de l’alphabet. L’aspect d’une page de caractères dans un livre 
est extrêmement troublant : penser que cela fait agir. Derain 
admet que le langage (pictural ou autre) est une convention 
mais il croit pouvoir passer outre. Invité à se prononcer sur 
le projet de Picabia : rassembler une vingtaine de boules dans 
l’angle d’un billard puis les pousser en avant d’un seul mouve 
ment sur le tapis, photographier le résultat obtenu et le signer, 
il se récuse. C’est là une opération magique plutôt qu’une œuvre 
d’art. Pour se permettre de conclure, il faudrait en tout cas, 
une fois les boules en place, tirer pour les comparer entre eux 
plusieurs clichés du billard. 
Derain reconnaît très volontiers que la provocation est exclue 
de ses dernières œuvres. Au reste il le veut ainsi. La «défor 
mation » d’autrefois avait le plus souvent sa raison d’être dans 
le rythme qu’un peintre est obligé d’observer. (La tête isolée 
du buste peut-être ronde, placée sur les épaules elle s’allonge. 
Par le seul contour de la tête, le peintre doit faire apparaître 
les yeux, la bouche sans les dessiner.) Mais Derain pensait aussi 
que le lyrisme exigeait que le bol fût plus grand que l’armoire, 
que le bâtiment d’usine tînt tout le paysage. Maintenant il croit 
devoir accorder à chaque objet la place convenue. Le véritable 
homme lyrique est celui qui ment. 
‘ / André Breton (1). 1 
(1) Qu’André Derain me pardonne la publicité faite par surprise à des 
propos tout spontanés, auxquels je n’entends prêter aucun caractère définitif, 
une heure de conversation sans apprêt n’ayant encore engagé personne.
	        
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