— 14 -
moment du crépuscule une contrée féerique et surnaturelle»
On frappe.
Valentine. — Entrez.
Entre un domestique.
Le domestique. — Monsieur, la voiture est en bas.
François consulte sa montre.
Valentine. — Il ne faut pas vous mettre en retard.
François. — Oh ! j’ai le temps.
Le domestique sort.
François (changeant de ton). — Si je télégraphiais à Jean
qu’il ne m’attende pas ?
Silence. Il paraît hésiter.
Paul. — Reste donc.
François. — On revient constamment sur ses pas, chose bien
excusable. Je sais trop que pour moi la réalité est ici, dans
cette amitié qui est la vôtre et l’incertitude dehors parmi les
becs clignotants et les visages affairés. (Valentine se dirige
vers la fenêtre, y demeure jusqu’au début de la scène suivante
le front appuyé contre la vitre). Les gares sont de grandes ten
tations auxquelles on résiste tant qu’on peut. Sur quoi reposer
les yeux quand qu’elles ne sont plus ? On n’emporte pas un
souvenir, pas un morceau de papier peint. Rien que la séche
resse de l’indicateur et la faculté de lier conversation avec le
premier venu. (Soupir) Ah ! (Appelant) : Valentine !
Valentine. Quoi ?
François, les bras ouverts. — Je m’en vais.
Valentine. — A jeudi. {Elle lui tend le front).
François, à Paul. — Au revoir, mon vieux. {Poignée de
mains).
SCÈNE III
Silence. Valentine est toujours à la fenêtre. La porte se ferme.
Paul, appelant — Valentine !
Valentine. — Quoi ?
Paul. Une porte se ferme et notre vie commence.
Valentine, allant à lui. — Je connais cette voix fausse
comme les nuages. {Bruit d’auto qui s’éloigne).
Paul. — Tu n’as donc pas compris que tous ces gestes, que
tous ces mots qui s’approchent de toi meurent si tu ne les
accueilles pas.