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SCÈNE II
Lefebvre, ayant frappé plusieurs fois sans obtenir de ré
ponse, ouvre la porte et passe la tête. — J’entre, patron ? (Il entre).
Patron, je n’ai pas perdu ma journée. Voici qui, j’espère,
ne vous laissera pas indifférent. Cet après-midi, à Nogent-sur-
Marne, j’ai vu des gens s’amuser à mettre en marche deux
locomotives garées.
Létoile. — Très bien.
Lefebvre. — Le jeu n’a pas été aussi drôle que l’imaginaient
les bons plaisants parce que les locomotives ont versé dans
un fossé. Sinon elles auraient traversé deux maisons, ce qui
eût été le comble de la joie pour les farceurs. (Benoît). Il serait
temps de comprendre que toute richesse, toute force particu
lières contribuent à la richesse et à la force de tous et que
c’est s’appauvrir soi-même que de lancer les locomotives dans
les rues ou de casser les vitres des wagons quand les trains
ont du retard.
Létoile. —- Idiot. Va t’asseoir dans la salle d’attente à côté
de la femme qui est près de la fenêtre. Empare-toi de son
réticule et apporte-moi les lettres qui s’y trouvent. Merci.
Lefebvre sort.
SCÈNE III
Létoile fait un appel téléphonique.
Elysées 40-52. (Un temps). Allô ! l’imprimerie Bellègue ?
Ici, Létoile. Prenez un papier. Les épreuves me seront appor
tées demain soir à six heures. Ecrivez : Au bon vieux temps,
dans nos petits villages, quand un habitant avait passé de
vie à trépas, le sacristain faisait sonner la cloche de l’église.
Pour faire connaître aux habitants l’âge du défunt, il accom
pagnait son glas de tintements dont le nombre indiquait l’âge
du trépassé et l’on disait : « comme il était vieux. » Actuelle
ment, si les sacristains des paroisses des grandes villes sui
vaient cette ancienne coutume, nous entendrions bien plus
souvent des tintements peu nombreux et nous dirions fréquem
ment: « Hélas! comme il était jeune. » On 'meurt jeune main
tenant. La faute en est aux conditions de l’existence qui ont
changé. Nous nous surmenons ; la vie trop active épuise nos