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L’ŒUF DUR
ou je te conterai des poèmes charmants
les jets d'eau de diamant, les palais de jade,
les vieux contes dorés de l'Inde et de l'Iran
les amours de l'émir et de Shéhérazade.
ô mon tout petit frère, elle t’a fait de la peine
il faut pleurer, pleurer dans le creux de tes mains,
pleurer, ton corps brisé sous le poids de ta peine,
il faut pleurer, pleurer dans le creux de tes mains,
pour toi, je chanterai sur ma vieille guitare
aux flammes des bougies que soufflète le vent
pour bercer tes sanglots au creux du divan
la lente mélopée de notre frère Iwan.
Francis-Gérard
Promenade
Pierre écrivit sur une page : « Ne plus me demander si je dois
aller voir Simone, mais aller la voir », et il sortit. Il prit le
tramway d’Auteuil, puis l’avenue des Sycomores, et comme il
passait devant le « cottage » d’André Gide, il pensa dans son
cœur — Nathanaël ou pourquoi pas Jérôme ? — Puis il sonna
à la villa voisine.
Pendant qu’il attendait l’effet de son moderne et électrique
Sésame, il imagina Simone lui prenant la main et l’entraînant
dans sa chambre. Elle faisait avec les fenêtres et les lampes une
lumière cornélienne, une obscure clarté, et ouvrant ses vête
ments, elle murmurait : « Achève de me mettre nue et fais de
moi ce que tu voudras. » Quelle attitude devait-il prendre ?
S’avérer romantique et mettre un ou deux genoux en terre
pour s’écrier : « Mon ange » ? ou, disciple de l’oublié Parnasse,
déclamer avec ampleur :
Le marbre pur ne sait mieux exprimer tes formes
Que la chair blanche doni lu pares ta beauté.
Ou dadaïste, ricaner : « Pensylvanie ! »? A moins que par
cubisme... Or, la porte s’ouvrit et l’on mena Pierre au salon