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MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX
rement inclinés à droite. Comme il voit,
lui, toutes choses légèrement penchées à
gauche, il n’y a que mes toiles, dans toute
la nature, qui lui donnent la sensation de
l’équilibre. Il va donc répétant que j’ai du
génie, et certaines personnes commencent
à le croire. Moi-même, bien entendu, je
suis de son avis.
« Cette rencontre, monsieur, m’éclaira.
Je compris tout de suite qu’il serait dan
gereux pour moi de me livrer à la peinture,
ou à n’importe quel autre des beaux-arts :
par instinct, malheureusement, si je des
sine un chien on sait que c’est un chien,
je vois les arbres verts, et les homards rou
ges, quand ils sont cuits. Je ne saurais at
teindre à l’originalité ! Mais je déduisis,
de ce que je venais de voir, qu’il y avait à
tenter, en littérature, la même opération
qui venait de réussir si heureusement à
mon ami dans la peinture : il fallait pro
duire quelque chose qui ne ressemblât à
rien. J’y suis parvenu, comme vous avez