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MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX
bien. J’occupais une place de choix, au pied
de la tribune disposée pour les orateurs
et ne me permettais point d’omettre une
seule occasion d’applaudir. Je ne me croyais
pas, hélas ! si près d’un désastre irrépa
rable.
« Voilà, en effet, qu’au moment où je
m’y attendais le moins, un homme, ou
plutôt un monstre, une espèce d’énergu-
mène sans pudeur et sans retenue, fit un
bond sauvage, arriva jusqu’à la tribune,
et fit le geste de frapper le personnage
même dont j’écoutais les paroles avec un
geste d’approbation respectueuse. Je ne
sais ce qui se passa en moi. Est-ce l’indi
gnation qui me poussa ? Je pense plutôt
que ce fut un besoin irraisonné d’activité.
J’ouvris les bras, et l’énergumène tomba
dedans.
« Je vous donne ma parole d’honneur
que je ne l’avais pas fait exprès. Mais un
instant plus tard,j’étais célèbre...et perdu!
On m’entourait, on me félicitait, on me ra