L'ŒUF DUR
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GUSTAVE KAHN
La Nymphe
Quand la nymphe parut au bord de la clairière
les faunes et les fleurs se prirent à danser.
Le soleil parmi les feuilles frappait des médailles de lumière
à l’effigie de sa beauté.
Le rire des roses de la terre
montait jusqu'aux bleuets du ciel ;
une harpe s’éveillait au lierre
et les bruissantes avettes
mêlaient leur frisselis d’ailes
au grisolis de l'alouette.
Tous les chants réveillés dans le ciel bleu et or
tous les parfums cachés dans la santé des sèves
les murmures flottants des sautes de vent brèves
et tout le pépiement infini des essors
sous le dais ajouré des vibrantes frondaies
vivaient et palpitaient d’un battement pressé
et dans le tissu grêle et floche des cépées
toute une faune agile et drue s’émerveillait.
La clairière pâmait sous les feux de ses yeux ;
on voyait s’allumer au fond de ses prunelles
vers des rampes d’azur le clair bûcher des dieux
et le feu s’élançait des brindilles du sol
jusqu’au sommet des pins, enroulant dans son vol
les folioles dociles et les branches rebelles ;
et les herbes des champs se mêlaient au cortège
et les ruisseaux jasaient à ses pieds, doucement,
car redoutable aux forts inquiets de son mystère
elle était douce aux petits dieux de la forêt
et tranquille elle allait, comme eux, dans la lumière
sans savoir ce que l’homme, en son regard, lirait.