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L’ŒUF DUR 
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MAURICE DAVID 
Side-Car 
Le petit jeu 
Elle se balançait dans un rocking-chair. Elle s’arrêta posa les 
pieds sur le bord de la table. 
— Vous êtes bien silencieux, Jean-Pierre, donnez-moi une 
Abdullah. 
Il lui passa une boîte. Pendant qu’elle allumait la cigarette 
choisie, il répondit : 
— Oui, mais je crois que j’ai raison, je ne vous connais pas et 
on ne se parle jamais que lorsqu’il n’y a plus rien à dire parce 
qu’on se connaît. 
Elle haussa les épaules et sourit. 
— Vous êtes stupide. 
— C’est peut-être plus qu’une opinion, traîna-t-il, et il se 
remit à songer. 
Tout à l’heure ils étaient cinq ou six. Elle était entrée décla 
rant : « J’ai voyagé deux ans pour grandir. Maintenant, je veux 
aimer, et aimer un de vous. » Aucun n’ose répondre non, ni oui. 
Sans attendre plus longtemps, elle avait déployé une écharpe 
de jersey de soie aux tons de mer pour y abandonner la vue des 
choses. 
Tous crièrent. 
— J’aime beaucoup colin-maillard. 
Mais seul Jean-Pierre avait été pris ; et les autres renvoyés, 
elle essayait de se faire aimer de lui. 
Elle fumait. 
Il la regarda. Elle était assez grande et assez petite, souple de 
corps, avec des cheveux dorés et des yeux verts, et le nez et la 
bouche des passeports normaux. 
Elle interrompit sa songerie. 
— J’ai la peau veloutée et la chair fondante et ferme.
	        
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