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L’ŒUF DUR 
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ROBERT HONNERT 
Anna à Waldighoffen 
M me Walter, ceinte d’un tablier blanc, les manches troussées 
jusqu’au dessus des rides de son coude, vint crier : « Anna, 
aide-moi à faire les confitures ». Anna brandit un indicateur et 
le De Profiindis : « Je combine des itinéraires pour Wilde quand 
il sortira de prison. » — « Tu devrais au moins dénoyauter les 
prunes, continua M me Walter. » — « Je le conduirai en Alsace, 
parce que c’est le seul indicateur que je possède ». — Ou au 
moins peser le sucre, livre pour livre, comme j’ai toujours fait. 
Et je m’en suis bien trouvée. — Nous n’avons pas encore quitté 
Londres, soupira Anna. — Oui ou non, demanda M me Walter, 
veux-tu t’occuper des confitures. — Quand elles seront encore 
chaudes, je prendrai le pauvre Wilde par la main, pour qu’il 
les goûte. — Je te défends de conduire des étrangers à la cuisine, 
prononça M me Walter en étendant les bras. — Elle sortit en 
exorcisant l’inconnu. — Anna agita le De Projundis jaune et 
l’indicateur brique : Lequel des deux est le plus riche en souf 
france. Dans Wilde, elle s’exprime sous sa forme habituelle ; 
les pleurs sèchent à peine sur les pages, le premier venu peut 
en être frappé. Rien de plus secrètement déchirant qu’un indi 
cateur. — M me Walter entr’ouvrit la porte, sans rancune : « Anna, 
dit-elle, j’ai pesé le sucre, dix livres ». — Maman, répondit 
Anna, je voudrais bien aller à Waldighoffen. — Sa mère ouvrit 
les yeux. — Ou à Roppentzmiller. — Pourquoi, demanda 
M me Walter ? — Il y a devant Waldighoffen un gros point noir 
qui indique une bifurcation. — Ah ! dit la mère. — Mais je n’irai 
jamais à Waldighoffen. — Je l’espère bien, conclut M me Walter ; 
tu me mets en retard avec ta poésie. — Je vais faire fondre mon 
sucre. — Anna se leva : « J’ai besoin d’être lyrique, ça me débar 
rassera l’estomac. — O Waldighoffen, village inconnu et bête, 
proclama-1-elle, petite gare sans doute fleurie, munie d’une 
lampisterie et d’une bascule toute neuve, encombrée de paniers 
traînant des paysans, qui sait si mon bonheur, si mon bonheur 
n’est pas là, déposé à la consigne. Mon bonheur est en consigne 
à Waldighoffen, parce que Waldighoffen est dans l’indicateur ; 
ô le miracle des indicateurs. Entouré de collines merveilleuses,
	        
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