L’ŒUF DUR 
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il avait terni, après le bal, la fraîcheur de la première image d’Yvonne 
par une exagération d’inlelligence ; maintenant, il allait mettre 
Yvonne dans la balance des génies. Il l’imagina passionnément 
heureuse dans ses bras, près de sa chair, — et ce fut sans doute 
pour Jean une belle minute d’exaltation et de force ; elle devait 
être brève, Yvonne n’étant pas de celles qui pouvaient être des 
maîtresses pour Jean. Le rêve de Jean s’écroula sous des images 
d’un réalisme vulgaire et amer : — le père d’Yvonne, quelque 
joyeux gendarme, coureur de filles épris de bonne chère et de 
plaisanteries grasses, — l’amoureux d’Yvonne, un collégien pré 
tentieux sans doute : rivalité digne de Jean ! — Piètres pensées : 
l’image de Goethe et celle d’Yvonne magnifiée, fruits d’un cré 
puscule admirable, étaient piétinées. La route ne fut plus pour 
Jean qu’une longue meurtrissure. 
Ce jour-là étant veille de quinze août, Jean de retour à Flouriac, 
gagna le presbytère pour s’y confesser : « Mon père, pardonnez- 
moi mes péchés d’orgueil : j’ai joué avec des sensibilités de fem 
mes. » — Les larmes d’Yvonne troublaient-elles Jean ? — Il sortit 
du presbytère avec cette attitude béate que prennent les hommes 
qui en consolidant une habitude pensent, peut-être d’ailleurs avec 
raison, s’être prouvé leur liberté. — L’heure était douce : des 
lumières vacillaient ; des femmes assises devant les portes, par 
laient lentement ; solitaire sur sa terrasse, le notaire, silhouette 
bouffie et stupide de personnage balzacien, rêvait à des tracasseries 
et à sa royauté locale... Jean regardait tout affectueusement. 
Il tâtonnait dans une recherche de son cœur, un peu hypocrite 
et pas très sérieuse ; il pensait : « J’ai exagéré par cette humilité 
enfantine qui nous poursuit au confessionnal même quand nous 
avons grandi ; je ne joue pas vraiment avec des sensibilités ; j’ai 
seulement des difficultés intellectuelles... » L’heure était douce : 
Jean cherchait à s’engourdir ; il y a des incertitudes qui flattent 
trop. « Yvonne, pensait-il, Marie-Yvonne, Maryvône et il se per 
dait dans des souvenirs de Bretagne... » Cependant, tandis 
qu’il s’égarait dans le kaléidoscope d’images pittoresques, il dé 
gageait de cette journée, cette double conclusion un peu cada 
vérique en face de sa jeunesse exaltée : — Yvonne n’avait pas 
troublé Jean; Jean ne s’était ému que de lui-même. 
L* Gérant : Jean ALBBRT-WEIL. 
Imprimerie Alençonnaise, 11, Rue des Marcheries. — Alençon
	        
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