IV
Pour comprendre parfaitement un artiste dans ses
gloires et ses défaillances, pour juger avec clairvoyance de
l’évolution de son art, il faudrait pouvoir le suivre parallè
lement avec une curiosité psychologique dans la vie même,
en lutte avec les passions de l'amour, du vice, du doute et
de la foi. Peut-être alors ceci s’expliquerait-il souvent par
cela et l’on découvrirait sur l’effort artistique l’influence des
faits extérieurs. La souffrance atteint profondément le coeur
humain, plus douloureusement encore celui des artistes :
il y a du moins entre eux et nous cette preuve du labeur,
que leur âme très sensible a modelée par des sanglots autant
que leurs mains le firent avec la matière.
L’exemple est rare d’une carrière qui se développe sans
crise dans sa marche ascendante et que la lassitude des
forces surprend, après, sans déclin. Tous les artistes ont
éprouvé l’absence de plaisir à produire, ils ont souvent subi
l’arrêt du progrès, la disette de l’idée; ils ont vu fuir
moqueusement l’inspiration et trouvé le vide devant eux. Ils
ont aussi admis le changement d’idéal, de vision, de réalisa
tion et accepté loyalement de voir autre chose dans l’art
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