CHRONIQUE
Pour faire un poème dadaïste :
Prenez un journal.
Prenez' des ciseaux.
Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur que
vous comptez donner à votre poème.
Découpez l’article.
Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet
article et mettez-les dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez ensuite chaque coupure l’une après l’autre dans l’ordre
où elles ont quitté le sac.
Copiez consciencieusement.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voilà “ un écrivain infiniment original et d’une sensibi
lité charmante, encore qu’incomprise du vulgaire. „
AA L’ANTIPHILOSOPHE ET TRISTAN TZARA.
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Pierre Drieu La Rochelle : Fond de cantine.
Nous avons aimé la guerre comme une négresse. A combien l’émotion?
Les enchères ouvertes se sont refermées, mâchoires, sur quelques-uns
d’entre nous, ous ne regretterons jamais assez un état d’exception. Je sacri
fie volontiers l’humanité à l’épouvante. Le soleil de la peur est un punch
incomparable. La guerre, malgré les petits mortels, a la grandeur du vent.
Dans le désordre des lumières, un garçon se déroule du sommeil.
Il n’y a pas beaucoup de place au monde pour dormir. Assez drôle, tout
ce bruit. Il vaut mieux tuer ou rire que crier ou mourir. Ce qu’on dit
sonne bizarrement au petit matin des attaques. On croirait que ça rime.
La gaucherie des hommes fait fuir les moineaux. Tiens: encore quelques
mots de cassés. Plus on va, plus on aime les plaisirs de la terre, cette
sacrée noix de malheur. L’autorité, entre autres, se satisfait auprès des
femmes, fraîcheurs passagères, haltes, menthes à l’eau. On apprend peu
à peu à nommer chacun par son nom. C’est curieux la chose de vivre.