186
ÇA IRA !
Allons prendre l’air,
Mon rire claque comme un drapeau mouillé.
III.
Dans le grand jardin familier
Filles et garçons s'étaient assis dans l’herbe.
Les filles étaient jolies, les garçons étaient gais.
On riait pour un rien.
Corsages calicinaux, robes corolléennes,
Sous entendus et régards en dessous.
L’une avait* des bonbons,
l'autre avait un miroir,
l’autre s’était frotté la joue des seringas fleuris.
Elles formaient un groupe lumineux
et l’air bleuté de ma cigarette
brodait de chastes collerettes
pour leur seize ans voluptueux.
La plus jeune s’écria : “J e voudrais être morte".
Le soleil rigolait dans les branches de l’acacia.
Pourquoi, pourquoi parles tu de là sorte ?
parce que tu aimes Isidore avec ses guêtres blanches ?
Pourtant si tu voulais on s’aimerait bien,
Tu es la plus jolie et moi le plus malin.
J’ai voulu devenir poète,
Mais s’il le fallait, je gagnerais un million à la Bourse,
en allant à la baisse.
Je t’emmènerais à Paris, voit la . tour Eiffel,
les tableaux de la rue La Boétie,
les verrières de la Sainte-Chapelle,
la musique de Strawinsky
et le Bal Tabarin,
et je t’achèterais un bouquet de violettes à dix sous,
car, quand je veux, je suis bien élevé
et on se souviendrait alors de ce jardin,
en se disant : Ah ! comme on était bête....
et on rirait bien.
Paul NEUHUYS.