Volltext: 8 = 1920, novembre (8)

ÇA IRA ! 
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désordonnés, deux êtres qu’agite l’amour 
et la haine. Il y découvre “avec peine, 
des tirades pour dévélopper le caractère 
de celui qui parle, là où sa passion lui 
ordonnait de ne dire qu’un mot.“ 
Ainsi s’éveille cette clairvoyance 
pour lui-même dont ses autobiographies 
donnent tant d’exemples. Ainsi naît et 
s'exerce, au sujet des évènements ou à 
propos de sa psychologie personnelle, 
la vision calme et lucide, la liberté 
d’esprit parfois cruelle,souvent ironique, 
avec laquelle il se regarda vivre. Il va 
s'observer et se féliciter d’agir ; se pré 
senter à lui-même les raisons de ses 
victoires et de ses défaites d’ambition 
ou sentimentales, comme s’il s’agissait 
d’un autre. 
Et cela est d’autant plus remarquable 
que pareille attitude, fréquente chez les 
très froids, se trouve ici jointe à un 
tempérament exalté et ardent à pour 
suivre toutes jouissances. 
De cette sincérité parfaite avec soi- 
même, qui n’hésite pas à s’avouer les 
petits côtés des plus délicieux instants, 
que d’exemples me donne-t-il pas ? Il se 
rend exactement compte de tout ce qui 
se passe en lui. C'est ainsi qu’une 
après-midi, goûtant le plaisir d’être 
près d’une femme aimée, il se trouvait 
henreux.... Sans doute. Mais il ajoute, 
le soir, rentré chez lui : “J’étais heureux ; 
je l’aurais été parfaitement si j’avais eu 
quatre louis dans ma poche, j’aurais eu 
cette hardiesse sans laquelle il n’y a 
point de beauté.“ Est"ce de l’humour? 
Non, Stendhal ne veut que situer exac 
tement un état d'âme, en donnant aux 
faits leur importance réelle. Il est 
admirable qu’un écrivain, en ce temps 
romantique, s’apercevant que son bon 
heur auprès de la femme aimée n’est pas 
complet, s’avise aussi nettement de la 
nature de cet embarras. D’autres que lui 
se fussent émerveillés de l’empêchement 
où nous sommes d'être jamais heureux. 
Mais ceux-là n’eussent jamais avoué 
que la privation de quatre louis pût être 
si essentiellement liée à cet inassouvis 
sement. 
Et ce n’est pas que Stendhal fît de 
l’amour un simple exercice de sensualité, 
ou un divertissement où l’esprit seul 
s’engage. Il s’y donnait sans réserve, 
corps et âme et n’était entièrement lui 
que dans la plénitude de la passion. En 
écrivant la “Vie de Henri Brulard“, il 
s’en souvient et nous le conte : “L’amour 
a toujours été pour moi la plus grande 
des affaires, au plutôt la seule“. Il y 
aurait beaucoup à citer de la profondeur 
avec laquelle il aima. Il devient, pendant 
tout un été, l’assidu d’un salon où l’on 
parlait italien, uniquement pour se mieux 
souvenir, à entendre la langue d’une 
maîtresse dont il dût se séparer, des 
joies passées. 
Que de fois, dans les souvenirs 
d’Egotisme, Stendhal s’émeut à de 
semblables souvenirs ! Revenu à Paris, 
le regret des jours heureux l’accable : 
“Puisque je ne puis l’oublier, ne ferais-je 
pas mieux de me tuer ?“ se disait-il. Et, 
chez lui, c’était sérieux. Plus tard, il 
notera brièvement et avec sécheresse, 
selon sa coutume : “Je parvenais à ne 
plus penser à Milan ; pendant cinq ou 
six heures de suite, le réveil, seul, était 
encore amer pour moi“. Sous l’appa 
rente froideur de cette phrase, comme 
la passion vit encore ! Comme les 
mots portent !.... Pendant cinq ou
	        
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