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POÈMES
CRÉPUSCULE AU DEHORS
L’ombre hachée par les lumières furtives et les dents
trop longues des toits sciant les planches vibrantes
de la nuit — les usines ; les longs wagons mornes sous
les flaques de pluie, les arrêts brusques aux armes des
talus. Dans l’éclair de couleur le nom inscrit sans
forme ; dans un autre coin la lueur. Une banlieue
ternie par tous les doigts du jour, à peine nettoyée
par la rosée des larmes. Le matin, quand la voile
déteint sur les plis du soleil. Quand les signes des
yeux arrêtent la lumière — un coin de ville noir,
perdu, mené de loin entre les rails luisants et les
vagues ornières.
LES IMAGES DU VENT
D’un bout à l’autre, la ligne s’assouplit et se retire —
les landes délavées repliant leurs miroirs et les buis
sons noircis agitant des images — des gestes indécis
et de larges grimaces, loin du ciel. Il est à peine
l’heure de sortir sous la pluie — les routes sont per
dues entre les 4 points, et l’air venu de haut et de
toutes les sources plane entre les tournants, aux marges
des poteaux. L’âne court dans le champ désert et sans
abri. La voix qui roule dort dans un repli du vent
— aucune tête ne dépasse l’herbe rase, liée de ruis
seaux creux et secs qu’il faut sauter. Au tranchant
lumineux luit la crête des vagues. Un mouvement
discret, direct vient au passage où les mains détachées
flottent sur le courant — sous le regard aigu, la pointe
fixe d’un feu rouge, vivant et calme dans la nuit.
Pierre REVERDY.