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LE GÉNIE SANS MIROIR
Mais Vamour
L'amour on en fit de la salade
Pour les salades on fit des salades d'amour
pour les salades
On fit on fit bien des éclairs pour
rien rien en vain
celui qui que rien rien
Il fait une chaleur chaleur
Le mécanisme cérébral est ici d’une étonnante variété. En appa
rence, l’auteur se borne à répéter plusieurs fois de suite le même mot.
Le premier vers est un bégaiement. Au troisième et au quatrième, même
procédé mais combien différent dans l’application; sein est répété deux
fois et doigts cinq fois. Il semble que des mots jaillissent les mains et
la gorge de cette maîtresse inconnue. Pas d’épithètes insuffisantes. La
phrase est devenue femme. Plus loin, sept fois de suite mot pensée,
sept, chiffre fatidique qui avec 13 se rencontrent dans la plupart des
productions d’Anna Ilda. Cette fois la phrase est une invocation mys
tique. A la ligne suivante, nouveau changement de personnalité, la poé
tesse fait un mot d’esprit : le sire de Coucy-Coucy. Mot d’esprit dont
le sel échappera aux calicots mais dont le charme ne saurait laisser
indifférents ceux que touche la poésie. Puis l’humour l’emporte et le
poème se termine par une figure grammaticale audacieuse, le substantif
étant pris pour qualificatif de lui-même.
Je m’excuserai de gloser de façon aussi ridicule, mais il n’était pas
inutile de donner un exemple de l’extraordinaire subtilité de langage
qui n’a pour décors que des jeux intellectuels d’une miraculeuse pré
cision.
Le privilège le plus enviable des fous est de poétiser les plus ingrates
besognes. Je donne en exemple à tous les comptables courbés sur les
livres tricolores, la vie de Marceau Volgas, employé dans une banque
parisienne et qui, un beau matin de 1920, trouva le secret de trans