TRISTAN TZARA
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des dents, en gesticulant, en riant ou en se bousculant, autour d’un centre
de préoccupations auquel ils prêtent, comme les usuriers, la suprême
importance.
L’heure me fuyait entre les doigts. J’étais riche de soleil et je connais
sais la volupté de dépenser facilement. D’une fenêtre ouverte on jetait,
comme des sous, aux passants, des notes claires de musique gaie et gra
tuite. Les employés qui retournaient à leur travail d’après-midi s’en rem
plissaient bien les poches du souvenir. Le spectacle m’amusait. Je mesu
rais de mon balcon leur lyrique regret.
A ce moment on frappa à la porte.
Mania entra.
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Mon étonnement fut grand. Elle s’y attendait et commença tout
de suite à parler. Je me refusais à voir en moi l’objet de son attraction.
Je me contentais apparemment de ses raisons qui étaient d’ordre mé
dical et me semblaient suspectes. Mais une idée m’obsédait : pourquoi
était-elle venue chez moi? Evidemment, parce qu’elle ne connaissait
personne d’autre dans cette ville et que j’aurais pu lui être utile. Elle
connaissait pourtant mon ami qui était aussi un ami de T. B..., mais elle
ne tenait pas à le voir, cet homme lui était désagréable, disait-elle
(ayant deviné, avec la vitesse qui caractérisait sa sensibilité, l’aversion
que j’avais pour lui).
En quelques jours, elle finit de s’installer, de se créer une atmosphère
propice à la suie de sa tristesse, à ce ferment qu’elle savait répandre
autour d’elle comme une maladie contagieuse. Mais quelle ne fut pas ma
surprise de voir qu’en très peu de temps elle lia une amitié fort joyeuse
avec plusieurs personnes de la même pension. Elle s’excusa de ce qu’elle
nommait sa frivolité, en disant qu’elle était forcée de jouer cette comé
die derrière laquelle on ne soupçonnerait pas la réalité, qu’elle prenait,
avec son habituelle exagération, pour une déchéance.
Alors vint le grand débat, devant lequel je m’efforçais de garder