Volltext: 5(1924), Janv.-Fév. = Nr. 35 (35)

TRISTAN TZARA 
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verbale et arbitraire et sans que je pusse en contrôler la logique. Mania 
me consolait en fermant les yeux, pour ne pas me faire rougir, et comme 
maintenant je tenais à ce qu’elle ne s’en aperçût pas, j’augmentais en 
gravité le rêve que j’inventais. 
Notre jeunesse eut le dernier mot ce soir-là : le mensonge, presque 
avoué par sa grossièreté même, nous confirma la relative tranquillité 
que donne la tête enfoncée dans le sable du rêve quand on accepte 
lâchement l’hypothétique inversion, celle que personne ne voit en vous si 
vous fermez les yeux, et que, par conséquent, tout est permis. La raison, 
comme la vigne, tient à de plus profondes racines d’habitudes. Le désir 
sait si facilement s’attribuer les excuses opportunes, les accoutrements 
des drames historiques, les risques contenus dans les dernières minutes 
des naufragés, quand il veut réussir, que l’illusion devient aussi parfaite 
que dans les procédés d’optique. 
Mania, je te vois perdue dans la réalité, agitant des S.O.S. déses 
pérés, après avoir fui T. B., dégoûtée à l’idée que toute ta vie tu devrais 
rester victime de quelqu’un, que des hommes sans cœur puissent encore 
arborer une victoire sur l’amas de misères que tu étais, et quoique ta 
fierté se soit durcie, je ne puis empêcher qu’avec tant de choses que je 
sentais pour toi, ce ne soit ma pitié qui t’accompagne et conduise tes actes 
et te montre les rues, les fleuves et les maisons. 
Mais un destin plus acide nous guettait. Il se tenait caché derrière la 
tête de Mania. Et il a agi jusqu’aux dernières brûlures que nous pou 
vions supporter. Car il ne faut jamais s’opposer aux difficultés qu’on 
sent venir. Elles anéantissent et purifient. C’est le seul courage des lâches 
comme la propreté est le luxe des pauvres. Quel prophète, quelle 
chanson nous fera comprendre qu’on n’est riche que de sa vie? Alors 
seulement le savon du cœur pourra laver les pourritures, les linges sales, 
les confusions et les monstruosités dont s’honore avec fracas l’apparente 
gaîté des hommes. 
(A suivre.) 
Tristan Tzara.
	        
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