MOGANNI NAMEH
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cervelle; puis, peu à peu, des idées se groupaient tout autour et même
ses actes y convergeaient, s’y cristallisaient. Il était émerveillé de voir
combien sa vie se mêlait à sa littérature, et réciproquement. Mais,
n’était-ce pas naturel? Le cerveau, l’âme, le sexe ne forment qu’un
tout, entremêlé, inextinguible, comme des mains jointes. La vie et le
rêve, le réel et l’irréel se marient profondément, l’union est si intime,
qu’il est fort compliqué de saisir quelque chose, d’expliquer un fait,
d’entendre la ténuité des notes corollaires, qui permettraient pourtant
le renversement, le dénouement de l’accord. Mieux que Poème et
Réalité, de Goethe, le Rêve et la Vie, de Gérard de Nerval, confir
mait cette opinion, et Descartes, dans son Traité des passions, expli
quait clairement le mécanisme de ce corollaire.
Il fit des efforts pour se remémorer le passage, vit distinctement la
page ouverte devant ses yeux et lut : « Mais, en examinant la chose
avec soin, il me semble avoir évidemment reconnu que la partie du corps
en laquelle l’âme exerce immédiatement ses fonctions n’est nullement
le cœur, ni aussi tout le cerveau, mais seulement la plus intérieure de
ses parties, qui est une certaine glande fort petite, située dans le milieu
de sa substance, et tellement suspendue au-dessous du conduit par lequel
les esprits [animaux] de ses cavités antérieures ont communication avec
ceux de la postérieure, que les moindres mouvements qui sont en elle
peuvent beaucoup pour changer le cours de ces esprits, et réciproque
ment par les moindres changements qui arrivent au cours de ces esprits
peuvent beaucoup pour changer les mouvements de cette glande. »
Ouvrir une vie, saisir un fait, tirer la fibre précise dans cette chair vive
pour provoquer les soubresauts voulus, reconstruire, à volonté, des syn
thèses inattendues, voilà le rôle de l’Art. De ce double processus découle
un double procédé : l’art qui s’attaque à l’entité première, fait des bles
sures, fouille les plaies, est un virus, un élément de dissolution, formente
les névroses, découvre la fibre insoupçonnée de l’âme, la tire à soi —