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ANDRÉ LHOTE
s’émouvoir outre mesure, lorsque l’on est peintre, de
l’énorme monument qui se dresse en face d’Elle, contre
Elle, et qui est la somme des conventions que les hommes
ont inventées, depuis qu’ils ont manié pinceau, ébauchoir
et compas.
J’ai plaisanté jadis sur les soins dont on entoure
Dame Nature, comme si Dame Peinture, sa rivale, ne méri
tait pas d’aussi ardents hommages. Sur la plage d’où j’é
cris en ce moment, mille tritons s’agitent ; ils ont bien
mangé ce matin ; ils recommenceront ce soir ; pour peu
qu’ils fassent l’amour de temps en temps, je considère
qu’ils sacrifient suffisamment au culte de la Nature. Com
bien parmi eux sont capables de sacrifier au culte de la
Peinture ? Ces derniers soins me semblent beaucoup plus
difficiles à assurer que ceux que j’énumère plus haut ; ils
impliquent, en effet, en plus d’un œil habile à distinguer
les objets, une connaissance de l’histoire de l’art, une pra
tique des musées, et une divination des possibilitée plas
tiques renfermées dans les objets, toutes choses qui ne
sont pas à la portée du vulgaire Sans entrer dans des
détails qui nous entraîneraient trop loin, et qui nécessite
raient une analyse sérieuse et appliquée, on peut cepen
dant s’interroger au sujet de ce fameux « respect de la na
ture » que nous recommandent tant de critiques soucieux
de notre salut. J’ai lu pas mal d’ouvrages écrits par des
peintres célèbres (au temps où les artistes avaient le droit
d’écrire) — ou par des hommes dont l’unique souci était
de rapporter leurs propos. Tous ces personnages éclairés
donnent invariablement de notre art la définition suivante :
« La peinture est limitation de la nature ». JVLais une
fois en paix avec leur conscience, grâce à cette affirma
tion sommaire et, en quelque sorte, rituelle, leur soin le
plus pressé est d’énumérer les règles grâce auxquelles