LA PEINTURE
808
MAX ERNST
CE QUE TOUT LE MONDE SAIT
Que fais-tu ? J'écris. Que faites-vous ? nous pensons. Comme
dans la chanson. La main de l’homme n’apparaît pas dans les tableaux
de Max Ernst. Personnage de Paradis, la main du diable est maigre
et l’attention pu’il porte à ses ouvrage est mince. Ses plus mauvaises
intentions sont des interventions miraculeuses que nous évitons par
droit de naissance. Mirage, une épaule offre un salut, avec insistance,
un chapeau sur la tête, un chapeau à la main, il vient nous serrer la
main, un arc-en-ciel noué en rosette fume blanc, comme un champ au
temps de l’aurore et des espoirs-animaux, autant avoir des guides au
ciel que dans ses poches.
Installons-nous. Vous savez tous ce qu'on appelle la délivrance
des pauvres gens. Dans les contes, c'était une femme bleue, dans le
monde, c'est une mitrailleuse. Ici, rendez-vous compte que c'est beau
coup mieux : une demeure à perpétuité.
Sans erreur, sans fausse honte, au hasard, nous pouvons désor
mais donner à une main le visage de la souffrance, à un éléphant la
pudeur ( en face ) d'une vierge décapitée, aux anges comme Œdipe, sa
mère et l'autre les perles les plus obscènes.
CE QUE TOUT LE MONDE NE SAIT PAS
Il est né le 2 Avril 1892. Fils d'un sourd-muet et d'une aveugle, il
est normal. Il a trente et un ans, une belle taille et les jeux bleus, une
tache de beauté à droite de la conscience et une toute pareille à la poi
trine gauche. Il a hérité de son père un joli talent de copiste, de sa
mère sa virginité, de son fils un tas d'argent. Il dessine sans s'en douter,
il a fait quelques grandes toiles, comme tous les peintres, même les
plus célèbres. A douze ans, il quitte père et mère et choisit un métier.
C'est alors qu'il dépouille le vieil homme.
Nous le retrouverons à douze ans, au repos, avec des ailes de rhu
matisant, au faîte de ses œuvres.
PAUL ELUARD
L ::
_