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RENÉ-MARIE HERMANT
métiers sont arrivés un à un, et s'attablent et causent comme ils peuvent, bridés et
ouverts par leurs tempéraments.
Il j a là le charpentier robuste et sain, et le monsieur de Paris coureur de
dancings à la mode ; le vigneron gaillard et l’esthète anémique ; le meneur d'hommes
et le compteur d'étoiles. Chacun a sa marotte, son vice et sa vérité, et il est bien
difficile de s’entendre. Cependant ils y parviennent à peu près : ils sont contempo
rains et s’ils connaissent différemment la vie c’est pourtant de l’avoir mêmement atta
quée. De cela ils sont certains, et sur cela d’accord.
Et puis la porte s'ouvre et un dernier venu arrive s’asseoir à leur table, d'une
douceur, d'une humilité, d’une paix intérieure qu'ils ne connaissent plus guère. Ses
traits rappellent vaguement de graves figures oubliées d’autrefois, et ses mains pen
dantes ne tenaient ni canne, ni badine, ni gourdin. Alors il sentent que celui-là est
bien différent d'eux tous et qu'il leur faudra beaucoup d'amitié pour l’écouter et
le comprendre...
Ainsi s’avance parmi les poètes, M. Alphonse Métérié avec son Livre de# Sœur*.
« La tristesse aux yeux d'argent » qui veille sur sa vie le garde de bien des
joies faciles et de bien des tourments obscurs.
. Ses chants ont un goût de cendres et ses rêveries des lumières de larmes. Où
d'autres ne fauchent que triomphes, détresses, supplices ou gloires, il ne respire que
mélancolie et ne déchiffre que blanches promesses futures. Il a vraiment une âme
et par elle connaît des bonheurs que nos antennes magnétiques ignorent encore, ou
ont dépassés depuis longtemps. Tout ce que son cœur voit est ténu et divin, nous
charme et nous attriste ; e’est un doux remords au milieu de nos fracas et de nos
tempêtes, une angoisse trop pure, une mdrtification merveilleuse.
Ce doux et terrible poète nous rappelle combien encore nous sommes miséra
bles. Mais il nous faudrait trop de douleur pour atteindre à sa pureté, et nous
n’avons plus d’âme.
RENÉ-MARIE HERMANT
POEMES DE LA VIE MORDUE, par Henri Dalby (Aux Images
de Paris).
Avec ce recueil, M. Henri Dalby nous apparaît en équilibre instable, ce qui
n’a rien d’inélégant d'ailleurs quand il s'agit d'un poète de sa densité (car il est
dense, serré, de chair dure dans ses images qu'il arrache à la vie et mâche à plein
pour autant les goûter que les marquer à son empreinte). Va-t-il conserver la vieille