AVENTURES D’UN FRANÇAIS EN ALLEMAGNE
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la solitude, une extraordinaire expression joviale que ne démentaient
pas toujours les propos du vieillard, soutenus par de larges et trem
blants gestes désespérés.
On se représentait gigantesque la carcasse ratatinée si elle se levait
jamais; mais Hans Macke demeurait résolument assis.
La première question du vieillard à son hôte avait de quoi décon
certer.
— Etes-vous juif?
Quand, se fatigant à vouloir suivre les feux doux de l’œil jovial,
rigoleur, et les gammes tragiques esquissées dans l’espace par les
énormes mains sèches, pareilles à des racines de guimauve, Lionel eût
honnêtement répondu :
— Oh!... oh!... Mêla, ma chérie, tu entends?... Il n’est pas juif...
c’est extraordinaire!... étonnant!... toureiffelich!... Vraiment, Mon
sieur, vous n’êtes pas juif?...
Il éclata de rire.
— Il est gâteux, pensa Lionel.
Hans Macke poursuivit :
— J’aime autant. Oui, mes félicitations! (sic). J’aime autant. Parce
que... nous avons à nous entretenir de certaines choses et... ach! si vous
étiez juif ce serait trop simple, il n’y aurait presque pas d’agrément et
puis... vous admettriez volontiers... mais comme le monde n’est pas
encore tout à fait juif... je suis gai, Monsieur, un révolutionnaire doit
être gai... Est-il assis? Mêla. Lui as-tu donné le tabouret bleu?...
Prenez-le, Monsieur, il est le meilleur. Et, naturellement, vous n’êtes
pas non plus révolutionnaire?
— J’ai appartenu au Parti, répondit franchement Lionel.
Hans Mack demanda avec brusquerie :
— Quelle section?
— La neuvième, celle de mon arrondissement, comme de juste.