JEAN COCTEAU
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paraphe une corrida, soit qu’en pliant une feuille de tôle il compose une
poésie plastique, soit qu’en une nuit, assisté par les anges, il échafaude
plusieurs femmes-colosses, des « Junon aux yeux de vache » dont les
grosses mains cassées retiennent un linge de pierre.
Des mains cassées? Des yeux de vache? Ces femmes sont des mons
tres, dites-vous. Tout dépend de l’usage que vous en faites. Un monde
sépare l’intensité d’expression et la caricature. Pour qui ne le constate
pas, les sculpteurs d’Egine, Giotto, Gréco, Fouquet, Ingres, Cézanne,
Renoir, Matisse, Derain, Braque, Picasso deviennent des caricaturistes.
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Un peintre qui n’a que du talent, un Carolus Durand par exemple,
et les Carolus Durand de toutes les époques dont le Louvre s’honore,
possèdent le nécessaire. D’autres peintres, plus doués, moins solides (une
Berthe Morisot) ne possèdent que le luxe. Un Manet combine les deux.
Mais il est rare qu’un homme riche jouisse de beaucoup d’argent de
poche. Picasso ajoute l’argent de poche à sa richesse. Il lui en tombe
des mains, des lèvres. Parle-t-il ? Sa boutade montre ce dont il parle sous
un jour cruel. Touche-t-il un jouet de son fils? Il cesse d’être un jouet.
Je l’ai vu triturer, en causant, un poussin d’ouate jaune qu’on achète au
bazar. Lorsqu’il le remit sur la table, ce poussin était un poussin
d’Hokousaï.
J’ai chez moi, sous un verre renversé, un dé à jouer en carton qu’il
découpa, plia et coloria. Il me sert d’expérience. Car celui qui dédaigne
cette petite chose et prétend aimer Picasso ne peut l’aimer pour le bon
motif.
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Où, chez Picasso, s’arrête le superflu? Où commence-t-il à rejoindre
le capital? On se le demande. Une absence complète de cabotinage