.JEAN COCTEAU
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cherche un point de départ, une graine, un fruit vert, au lieu de les
savourer en silence. Car le Français aime les tombes; il méprise la
jeunesse, et c’est en conserves qu’il se régale, un jour, des primeurs.
La volonté d’aller droit et de ne pas se perdre en finesses nous porte
à suivre les grandes routes.
N’ai-je pas eu tort de négliger certaine traverse? Elle desservait la
place où Picasso et Mallarmé se rencontrent. Retournons-y.
Lorsque je parle d’une aventure Picasso, j’admets que dès la minute
où un peintre s’écarta exprès de son modèle, la peinture marchait au
cubisme. Il était juste que les cubistes se réclamassent d’Ingres. Sans
doute le cou de Thétis suppliant Jupiter est gros de promesses. Sans
doute Cézanne ouvre une porte et, déjà, la phrase inscrite par Gréco
sur sa vue de Todèle contenait un avertissement.
Malgré tout, Picasso, le premier, eut l’audace de passer outre les
monstres qui naissent du mariage entre l’objectif et le subjectif, et de
tendre à Narcisse un miroir qui ne le défigure ni ne l’expose à des
complications.
Mais reconnaître que Picasso porte sur ses épaules la lourde charge
d’avoir poussé le jeu à l’extrême n’est point nier que le jeu devait, coûte
que coûte, en arriver là.
Accident, accidentel, accidenté, s’appliquent au parcours de l’art
lorsqu’on en dénombre les cimes.
De même que pour Mallarmé, on s’émerveille de cette carrière
d’évidences ouverte par Picasso au génie en herbe.
C’est le rôle du dernier venu de déblayer le terrain et de le hérisser
d’obstacles. La succession de Picasso est d’autant plus délicate qu’il
excelle, non seulement à son jeu d’échecs, mais encore aux jeux inno
cents de toute sorte.