TRISTAN TZARA
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acte puisait au fond de sa propre définition et aveuglait la possibilité
d’un lendemain.
Mais un scandale dont je fus cause et qui entraîna des personnes éloi
gnées touchant au cercle de ma famille, décida celle-ci à consentir à mon
voyage à l’étranger.
Lambeaux de muscles, doublures déchirées saupoudrées d’odeurs vieil
lottes, impuissance et indignité, sang douteux et compromis, ainsi parais
sent aux yeux du monde les revirements de l’ordre social, quand un de
ses enfants, après avoir annulé sa vie, cherche, avec des dépenses d’in
quiétude et de volonté que la famille juge inutiles, une autre conscience
que celle qui fut mise gratuitement à sa disposition.
Je passe sous silence un chapitre douloureux d’injures, de terreur, de
malédiction, de fureur, d’intrigues, d’outrages, d’horreur, de haine. Car
au dernier moment avant le départ mon père sentit l’infranchissable
barrière couper le lien de nos deux vies, et devant cette rupture qu’il
savait définitive, il pleura. J’étais mort pour lui, crispant des mains
acides dans sa gorge, j’emportais une vie amère qui ne lui appartenait
plus, pour alimenter un long voyage si amèrement mendié aux bizarres
calembours du sort.
L'inconnu aurifère éblouissait déjà l’incandescence d’un rêve écervelé.
LA VILLE NOMBRIL DE LUXE
X. — Où je m établis par hasard et restai par faiblesse
Quel avantage y a-t-il à vivre seul dans une petite ville ? Après dix
ans de réflexion lente qui m’ont subminé comme un travail sombre de
microbes, je puis répondre : Aucun.
La circulation et le bruit des grandes villes sont devenus un complé