ERIK SATIE
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Il est peut-être regrettable qu’ils ne l'aient pas fait aux
heures difficiles, aux instants pénibles que mon génial
ami eut à traverser. Pourtant, un grand nombre de ces
« post-admirateurs » avaient, à cette époque, plus que
l’âge de raison. Ils auraient pu un peu « voir clair » —
même sans loupe, ou sans binocle.
Seulement,... dame!... on ne savait pas que... Vous com
prenez ?... Car ces prudents « roublards » ne sont pas des
héros — et ne sont pas tenus de l'être, après tout. Oui...
Alors, ils ont attendu « que cela vienne » — que « cela soit
sûr », tout au moins.
*
* *
Aujourd'hui, on n'est plus « moderne » : on est
« autre chose » ; — on est « esprit nouveau *.
« L'esprit nouveau » enseigne à se diriger vers la sim
plicité émotive, vers la fermeté d’expression — sortes
d'affirmation lucide de sonorités et de rythmes (au dessin
précis, accentué — tout d'humilité et de renoncement). Je
parle de la musique.
Nous n’avons plus besoin de nous dire « artistes » —
laissant cette dénomination reluisante aux coiffeurs et aux
pédicures.
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* *
J'entends, dernièrement, un très brave et digne homme
qui disait à un délicat lettré chinois (ce n'est pasM. Louis
Laloy) : — « Pourquoi, vous autres Chinois, êtes-vous
restés aussi sauvages ? » Parbleu ! ce brave et digne
homme est un monsieur « moderne », nullement « boche »,
pas même « bolcheviste »... Mais oui, et il l'en faut féli
citer.