MAURICE RAYNAL
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sources nécessaires pour en construire un troisième. Mieux encore la
catacbréde autorise des audaces plus libres encore; c’est ferrer d’argent
une monture, ou se tenir à cheval sur un âne, procédé identique à celui qui
fait dire au poète vêtu de probité candide et de Lin blanc. Comme on le
voit, le principe est toujours identique, seule l’imagination varie lyrique
ment des trouvailles plus ou moins heureuses.
Or, pareillement, lorsque Juan Gris dans le domaine plastique estime,
sur l’injonction de son imagination que plusieurs groupes d’éléments
parallèles sont nécessaires à l’harmonie générale de son tableau, il
n’hésite pas, à répéter la même idée plastique en termes différents : et
si conformément aux moyens de la rhétorique, l’aile de l’oiseau
devient celle du moulin, les lignes de la portée seront les cordes de la
guitare.
Enfin reconnaissons qu’il ne s’agit pas ici de la phraséologie du
gongorisme. Noble tendance à la description linéaire, mais bien cons
truction plastique, et le sens poétique de Juan Gris est beaucoup plus
humain que celui de Yedtilo culto parce que parti de données plus pro
fondément sensibles. Ce n’est, en effet, qu'après avoir imaginé sa
métaphore que Juan Gris lui fait subir les préparations, mécaniques si
l’on veut, que le technicien plastique le plus sûr de l'heure actuelle qu’il
est incontestablement étudie, agence, coordonne et exploite. Par consé
quent ni orismologie, ni terminologie, encore moins stylisation. Attaché
de par son instinct au renouvellement constant des données de son
imagination il se garde bien de prendre certains de leurs résultats pour
bases d’œuvres nouvelles. La forme donnée par lui à telle métaphore,
à tels rapports de volumes rapprochés ou éloignés n'est jamais conférée
aux éléments du tableau à priori mais bien à la suite des développe
ments nécessités par la composition de l’œuvre. Et si j'ai rappelé les
relations qui unissent la conception des métaphores plastiques et poé
tiques chez Juan Gris ce n’est pas seulement pour signaler une curieuse
coïncidence entre les procédés communs aux deux moyens d’expres
sion, mais aussi pour souligner que l'œuvre de l’artiste vue sous cet
aspect particulier est étrangère à tout esprit de singularité, d’affec
tation, de préciosité ou d'inconsidération et que l'ange du bizarre n'est
pas son gardien.
Maurice RAYNAL.