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TRISTAN TZARA
LE CŒUR SANS RIDES
II. Comment je passais mon temps d’une prédilection à l’autre.
L’opulence de quelques vacances illimitées m’a conduit dans des pays
de lenteur. Troupe de sentiments à exposer, décuplée par la désorgani
sation des moyens de transport, les plages ensoleillées de richesse, les
peuples lourds chassés dans leurs dilemmes, et les collines récompensées
par les végétations des couleurs, — sang épanché hors d’une artère lacé
rée — j’ai voyagé avec le faste des dentiers en or brodés sur le soleil des
ports et des crevasses de vent cassé. Les transbordeurs, égratignures de
l’embarcadère et les barques minuscules dans l’embarras de leur nombre,
sont les muscles qui régissent notre plaisir, les chargements de marchan
dises et les larmes à venir des mouchoirs qu’on agite.
Aujourd’hui, en relisant les notes prises à Paris, je puis à peine com
prendre la gaieté tatouée sur la main du souvenir qui me faisait voir
l’avenir d’un séjour et d’une ville dans les lignes de la vie gravées sur le
plan des rues.
Les dimanches font souffrir partout, parce que le travail a cessé
autour de vous et qu’une lumière douloureuse partage le doute que vous
avez de votre inactivité. Les orchestres des terrasses mettent des taches
de chaleur sur la foule durcie et crêpée. Les gestes suscités par cette
musique régulière restent écrits dans une pose de politesse.
Les échecs ont occupé aussi mon temps par des contorsions d’esprit
qui prouvent que les pensées les plus profondes fourmillent dans l’inu
tilité de leur vertu. Les pions se mettent en mouvement, mais ils sont
reliés par les fils des regards. La reine est active, il faut savoir employer
son efficacité dès le commencement du jeu. Mais elle s’use vite comme
toutes les tyrannies. Celle de l’amour en est la première preuve. Les par-
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