TRISTAN TZARA
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leur donner la place d’honneur dans ma destinée, les abriter des maléfices
et des révoltes de la chair. Mais les procédés me répugnent et je me
laisse des marges suffisantes pour changer d’avis à propos de n’importe
quel événement dont la fin me paraît pratique et profitable à ma personne.
En somme, je suis un opportuniste austère, cherchant des excuses aux
inlassables conversations entre son sang et son cerveau.
Ce n’est pas la beauté qui m’attire, mais l’inutilité de mes réflexions.
Que ceux qui les lisent atténuent leur ton trop positif et m’accordent le
crédit d’une relativité sur laquelle j’ai basé toutes mes chances, mes
possibilités et mes ressources. Si je n’avais pas voulu leur éviter la fatigue
de la lecture et diminuer mon plaisir d’écrire, je n’aurai jamais fini une
phrase sans faire part de mon doute et sans l’envelopper de précautions
par de vagues et illusoires « je crois » qui n’engageraient à rien mes
obligations morales (sur l’infini desquelles j’ai déjà tiré d’innombrables
traites).
a
Germaine-Louise Cottard condamnée à quinze ans de prison avec la
complicité de mon désintéressement honteux, quoique imprégné parfois
de regrets, j’ai écrit, au fur et à mesure que les paroles s’assemblaient
autour d’un noyau de cellules, sa triste histoire si étroitement liée à mon
aventure. Elle a chassé l’atmosphère obscure rassemblée autour — bour
donnante invasion d’insectes vindicatifs — qui me procurait tant
d’angoisses et d’injustifiables dédains.
Mais pourquoi le remords ne m’a-t-il jamais tourmenté? De quel invi
sible appareil sortait comme les vapeurs du temps après la fermeture de
l’usine, la distance que je mettais toujours entre nous? Pourquoi ce
manque de sacrifice et ce qu’on appelle cynisme, mais qui n’est que
mensonge, lâcheté et peur de passer pour un héros, ne m’ont-ils jamais
inquiété? Pourquoi une sécheresse tenace avait-elle assiégé ma volonté
au point de réveiller en moi une initiative adverse, un autre visage d’ar