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PHILIPPE SOUPAULT
tous. Pour ne pas séparer l’utile de l’agréable il les nommait : America
était arnica et propagandiste, Clio adorable et naturaliste...
Mais tous étaient des amis de rencontre qu’on allait perdre et la
première poignée de main était déjà un adieu. Amitiés plus douces que
le mal de mer, mais aussi fragiles, qu’on croit éternelles et qui, dès que
l’on pose le pied sur la terre ferme, disparaissent. On ne peut les quitter
ces compagnons, on va les revoir toujours; ce sont eux précisément qui
verront notre premier cheveu blanc, riront de notre première ride, fer
meront nos yeux pour que nous ne voyons pas le cimetière. Voici la
terre et les villes, voici la nuit claire et le jour sombre des paysages
et déjà nous ne pouvons nous souvenir de leurs noms, de leurs visages,
nous ne les appelons plus qu’adorable, arnica... Est-ce ma faute, est-
ce celle de Giraudoux? je découvre à chaque page une mélancolie,
une attente, qui sont loin de l’indifférence. Je regrette, je demande
pardon, je ne suis plus l’égoïste, le paresseux, le faible. Un arc-en-ciel
traverse ainsi l’œuvre de jean Giraudoux et nous fait aimer ce sourire
que nous lisons sur ses lèvres d’indifférent, ce sourire de pudeur.
Enfin voici Suzanne, voici Siegfried. « Au fond, tous les hommes
sont bons... ou du moins ceux dont le nom commence par un S, je ne
réponds que de ceux-là, car c’est avec eux que j’ai vécu surtout. )) (1)
Il y avait des livres, beaucoup de livres dans cette enfance studieuse
de Jean Giraudoux. Il y a ceux qu’on aime, ceux qu’on estime et ceux
qui étonnent. Robinson Crusoé le choquait parce que cet exilé était
loin de tout ce qu’il voyait. L’imagination de Daniel de Foë le con
duisait à faire agir son héros uniquement selon ses instincts et ne lui
(1) Cf. Adorable CUo. — Mort de Ségaux, mort de Driegeard.