414
W. MAYR
Par là se trouve résolu le problème que posait le film didactique qui a
besoin d'un commentaire.)
*
# *
N'empêche que toute projection de film est accompagnée de
musique. C’est un fait constant : le piano le plus lamentable est préfé
rable au silence. Quelle est la raison de cet accompagnement — obli
gatoire sinon gratuit?
Demandons-nous d'abord pourquoi nous sommes gênés quand la
musique s’arrête, — le temps de changer de partition — et que le film
continue. Simplement, parce que dans la réalité nous sommes habitués à
voir la vie se dérouler au milieu du bruit, sinon de la musique. L'écou
lement d'images dans le silence nous choque, puisqu'à l’ordinaire, nous
lions l’image au son.
Le silence au cinéma tend donc à rompre des associations très
fortes que notre cerveau a établies entre le mouvement et le bruit. De
là une certaine gêne, une attente que comble la musique, celle du grand
orchestre au Gaumont-Palace, ou celle de l’humble piano du cinéma de
banlieue. Ce phénomène n’est vrai que pour les êtres normaux. Je suis
persuadé que les sourds éprouvent au cinéma des impressions plus vives
que les autres personnes. En effet, leur sens auditif oblitéré ne vient
pas les tirailler ou les distraire par quelque fragment de la Tosca ou le
Prélude du Déluge. Dans la vie également, les sourds jouiraient plus
intensément de leurs perceptions visuelles, s’ils n'étaient rendus inquiets
par le soupçon de quelque hostilité, qu’ils croient deviner dans les
gens ou les choses.
Nous pourrions, nous aussi, à force d’exercice, vaincre le senti
ment désagréable d’être rendus subitement sourds, quand la musique
cesse.
Certes, l’accoutumance aux gestes silencieux nous permet de
suivre les péripéties d’un film en faisant abstraction des sons qu’il ren
ferme virtuellement. Mais ce à quoi nous n’arriverons jamais, à moins
de nous mutiler mentalement, c’est à effacer l’image seconde des sons,
celle qui vit et chante en nous et qui accompagnera toujours en pianis