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MARCEL SAUVAGE
M. de Montherlant, toujours grosse d'orage et tendue jusqu’à devenir
douloureuse, s’est employée à produire les étincelles les plus curieuses,
aiguës, crépitantes et violettes dans l’ombre des âmes, — éclairs
encore liés savamment, en bouquets d’une étonnante richesse.
Le Songe est un roman trouble. Malgré les noms qu’il éveille aussi
tôt dans la mémoire, il n’est point dépourvu d’un romantisme à tout le
moins inutile. Les titres des chapitres en témoignent ainsi : Il rejette la
Couronne d'épines, La Sœur des Victoires, Amoureux du front, Pain de
Beauté, Que de souffrance, Ares....
Ici les fleurs fraîches, aussitôt coupées, deviennent artificielles
dans la main qui les cueillit, — plus belles ou mortes.
Le Songe n’est pas une réussite : moins sans doute et beaucoup
plus : l’œuvre où l’auteur a jeté, pêle-mêle, souvenirs, espoirs, rythmes,
analyses, portraits, préférences, •— le trésor auquel il puisera toute
sa vie, désormais.
LA STEPPE ROUGE, — par J. Kessel. — (éd. de la Nouvelle
Revue Lrançaise.)
La neige que le gel a vernie, peut-elle être peinte avec du sang,
couleur qui n’est pas sans péril? Il faut lire le premier livre de M. J.
Kessel pour n’en plus douter.
Les frontières de la Russie actuelle n’apparaissent pas seulement
comme les portes : les uns disent du paradis, les autres disent de l’enfer,
elles sont encore les frontières du nouvel Eldorado où romanciers,
conteurs et poètes iront bientôt prospecter l'inspiration. J. Kessel
ouvre la voie.
La Steppe rouge est un livre ni documentaire ni diplomatique. Les
journalistes qui, de part et d’autre en firent usage pour leur cuisine,
eurent grand tort et sont parfaitement ridicules.
Voici, en toute simplicité, un recueil de sept nouvelles habilement
agencées et sûrement tragiques, — je veux dire que l’effet est en cha-