Volltext: Nouvelle série No. 10(1er Mai 1923) (NS 10)

Je n’ai jamais rêvé d’une si belle nuit. 
Les femmes du jardin cherchent à m’embrasser — 
Soutiens du ciel, les arbres immobiles 
Embrassent bien l’ombre qui les soutient. 
Une femme au cœur pâle 
Met la nuit dans ses habits. 
L’amour a découvert la nuit 
Sur ses seins impalpables. 
Comment prendre plaisir à tout ? 
Plutôt tout effacer. 
L’homme de tous les mouvements, 
De tous les sacrifices et de toutes les conquêtes 
Dort. Il dort, il dort, il dort. 
Il raye de ses soupirs la nuit minuscule, invisible. 
Il n’a ni froid, ni chaud. 
Son prisonnier s’est évadé — pour dormir. 
Il n’est pas mort, il dort. 
Quand il s’est endormi 
Tout l’étonnait, 
Il jouait avec ardeur, 
Il regardait, 
Il entendait. 
Sa dernière parole : 
« Si c’était à recommencer, je te rencontrerais sans te chercher. » 
Il dort, il dort, il dort. 
L’aube a eu beau lever la tête, 
Il dort. 
Paul Eluard 1 . 
1. Tout poème qui ne porte pas mon nom est une imitation.
	        
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