Volltext: 4(1922), février = Nr. 25 (25)

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RAYMOND RADIGUET 
mettent. Je ne résistais pas à voir surprise ou colère sur la figure d’ange de 
Svéa quand je serais tenu de lui apprendre l’absence de Marthe. 
Oui, c’était sans doute ce plaisir puéril d’étonner, parce que je 
ne trouvais rien à lui dire de surprenant, tandis qu’elle bénéficiait d’une 
sorte d’exotisme et me surprenait à chaque phrase. Rien de plus délicieux 
que cette soudaine intimité entre personnes qui ne se comprennent pas. 
Elle portait au cou une petite croix d’or, émaillée de bleu, qui pendait 
sur une robe assez laide que je réinventais à mon goût. Une véritable 
poupée vivante. Ce qui gâtait un peu son air de couventine, c’était 
l’allure d’une élève de l’école Pigier, où d’ailleurs elle étudiait une heure 
par jour, sans grand profit! le français et la machine à écrire. Elle me 
montra ses devoirs dactylographiés. Chaque lettre était une faute, corri 
gée en marge par le professeur. Prononçant mal son nom, je lui demandai 
de l’appeller Cécile. Je prétendais que c’en était la traduction fran 
çaise. Je pensais à Cécile Volanges. Elle sortit d’un sac à main affreux, 
évidemment son œuvre, un étui à cigarettes, orné d’une couronne com 
tale. Elle m’offrit une cigarette. Elle ne fumait pas, mais le portait tou 
jours sur elle, parce que ses amies fumaient. Elle me parlait de coutumes 
suédoises que je feignais de connaître : nuit de la Saint-Jean, confitures 
de myrtilles. Ensuite, elle tira de son sac une photographie de sa sœur 
jumelle, envoyée de Suède la veille : à cheval, toute nue, avec, sur 
la tête, un chapeau haut-de-forme de leur grand-père. Je devins écar 
late. Sa sœur lui ressemblait tellement que je soupçonnais Svéa de rire 
de moi, et de me montrer sa propre image. Je me mordais les lèvres, pour 
calmer leur envie d’embrasser cette espiègle naïve. 
Je dus avoir une expression bien besiale car je la vis peureuse, cher 
chant des yeux le signal d’alarme. 
Elle arriva chez Marthe le lendemain à quatre heures. Je lui dis 
que Marthe était à Paris mais rentrerait vite. J’ajoutai : elle m’a 
défendu de vous laisser partir avant qu’elle revienne. Je comptais ne 
lui avouer mon stratagème que trop tard. Alors, pensais-je, peu importe! 
Heureusement elle était gourmande. Ma gourmandise à moi prenait
	        
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