— Quand même!... Dites, Monsieur, c’est Mimosa qu’on
l’appelle. Monsieur trouve que c’est un bon nom pour un
chat?
— Phrosine, amenez cette bête sans plus attendre. Nous la
nommerons... Poustikette... du russe Poustiky... des riens-
misères... peu de chose! Et maintenant qu’on me laisse, jus
qu’à l’arrivée de cet animal.
Seul, Dominique Dalibert essaya de vaincre l’angoisse qu’il
jugeait ridicule et qui, en tout cas, lui pesait trop, en suivant
les évolutions des poissons, après avoir remis en place le Traité
des Sensations. Mais il ressentit avec précision que les poissons,
dont il n’avait pas obtenu tout ce qu’avait fixé son espérance,
cessaient dès cet instant de retenir sa curiosité scientifique.
C’était comme un adieu aux brillants muets de cuivre, d’or,
d’argent, de plomb fluide et miraculeusement délivré de sa
pesanteur.
Le conteur doit oublier beaucoup, négliger plus encore et
faire traverser rapidement au lecteur bénévole huit jours d’une
existence en apparence la plus banale. On notera seulement
que Dominique Dalibert, sa chatte entre les bras, sa chatte sur
l’épaule, accroupi devant sa chatte, lui comptant ses quenottes,
scrutant les profondeurs de sa gueule rose, la nourrissant de
ses mains, que sais-je! retrouva un instant de cette paix qui
trompe avec une si rassurante cruauté ceux qui marchent à la
rencontre de désespoirs insoupçonnés.
On notera encore que la jeune Poustikette, accueillie de la
sorte, gorgée de viandes et de lait, se désintéressa superbement
de la gent souricière, laquelle, pour faire endêver Phrosine,
pilula, jusqu’au jour que le concierge requis découvrit l’issue,
boucha le trou et mit fin à ces déprédations. Au surplus, rien
qu’occupé de Poustikette, Dominique Dalibert avait perdu
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