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Dominique Dalibert regagna lentement son logis, à pied,
passé minuit. Le col de son pardessus relevé, le chapeau rejeté
en arrière à la façon d’un noceur, il trottait menu. S’il fermait
les yeux soudain, pressant le pas, il rêvait tout éveillé qu’il
volait légèrement au-dessus du trottoir.
A l’angle d’un pont, une fille le tira doucement par la
manche.
— Tu viens avec moi, mon chat?
Quel miroir lui furent les yeux de la fille !
Toute l’horreur du geste terrible esquissé, hors de sa cons
cience, s’inscrivait aux yeux de la fille.
Dominique Dalibet se voila les yeux et quand il laissa
retomber la main, tout s’était effacé sur les yeux de la fille.
Une petite drôlesse, toute menue; une fille brave dans la
nuit en face de l’inconnu :
— Que t’es méchant, quand même!... Mais t’es-t-il seule
ment méchant tant que ça?... C’est rien de vouloir... c’est
comme pour le reste... la peine d’oser, quoi!... ça fait rien...
tu ne regretteras pas... je serai douce que t’as pas idée... vous
voulez bien, Monsieur?... dis... laisse-toi tenter, mon chat!
Dalibert ne sut jamais qui troua la nuit de ce cri aigu; la
fille ou lui? La fille qui avait revu ses peux ou lui qui avait
entendu cela?
Il tourna seul l’angle du quai. Une voix crapuleuse et
faible cria ;
— Y’aura donc pas un homme pour noyer des saletés
pareilles!...
Dominique Dalibert ne fit pas d’autres mauvaises ren
contres. Mais avant de s’endormir, l’honnête homme, le père
accompli s’essayait à l’espionnage jusqu’en l’alcôve de sa
fille. Le lendemain, Frédéric Poule, l’ancien acteur devenu