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J'ouvre la plaquette de poèmes : Lampes à Jlrc, de Paul
Morand, et ce film se déroule à mes yeux :
L'Ambassadeur britannique revient à pied du Quai d’Orsay.
Cet ambassadeur est formidable, inouï : il révolutionne la
poésie. — Y a-t-il un vers moins régulier, moins ronronnant?
Il ne rime à rien, il est orphelin, il n'a pas de frère; à peine
une cadence rythmique (7 — 4 —• 4) et une assonance. Evi
demment, cela manque de grandiloquence, de balancement,
de sonorité. Cette promenade diplomatique ne se déclame pas
en tordant de beaux bras et en bramant d’amour. Que les tam
bours et les clairons de la Garde se taisent : « l’ambassadeur
britannique revient à pied » Il demande le langage parlé, sans
ithos ni pathos, l’image simple, directe, telle que le poète Paul
Morand nous l’offre dans ses Lampes à Arc.