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La Poésie dans le Théâtre de Commelynck
Les deux pièces de Crommelynck qui ont été jouées l’hiver
dernier à Paris ont suscité autant d’enthousiasme que de pro
testations, elles ont généralement surpris par leurs qualités
de poésie aiguë et de profonde humanité un public qui est
assez peu habitué à trouver un poète dans un homme de
théâtre, et surtout un grand poète. Son œuvre n’est pourtant
pas isolée, on peut sommairement en établir la filiation, car
si l’on met de côté les pièces que continuent à jouer les
théâtres des boulevards, qui ne sont que l’adaptation des
procédés habituels de la scène aux préoccupations, aux
goûts et aux idées du jour, sans aucune inquiétude quant à
faire du neuf, et sans s’attarder à une compréhension vrai
ment profonde de l’art dramatique, on peut dire que l’orien
tation du théâtre moderne actuel est essentiellement poé
tique. Ce mouvement, comme en poésie, date du symbolisme.
Les chefs-d’œuvre jusqu’ici en paraissent plutôt rares. D’An-
nunzio mis à part, les jugements portés sur Claudel, Maeter
linck, Bataille ont été révisés par la nouvelle génération.
On a vu combien la poésie, surtout chez ces deux derniers,
en était factice et quelle part de procédés intervenait dans
la création de ces atmosphères troubles ou mystérieuses qui
avaient tant séduit une partie de leurs contemporains. La
récente reprise de Pelléas et Mélisande est un exemple
typique. Froidement accueillie en somme, malgré la géné
ration précédente qui ayant crié au chef-d’œuvre n’ose pas
reviser son jugement, mais malgré des qualités indéniables
de poésie, nous laisserons-nous abuser, nous aussi?