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tournèrent le bouton de cuivre poli et poussèrent la porte
brune de la librairie. Phrosine parut, la vieille servante, vraie
régente d’une maison où la maîtresse, Mme Dominique Dali-
bert, née Gourdon de la Chevrerie, dédaignait depuis trente
ans de gouverner, toute à ses dévotions, ses œuvres pies et à la
lecture des romans de Mme Cottin qu’elle mettait au-dessus
de tout. L’excellente dame ne gardait plus le souvenir d’au
cune autre lecture, sinon, mais avec du dépit, de Dominique,
acquis d’enthousiasme, et pour le titre, durant le voyage en
Suisse que lui fit faire Dominique Dalibert en suite de leurs
noces.
— Qu’est-ce encore, Phrosine? Le cycliste des Débats?
Répondez que Monsieur ne pourra tenir prêt son feuilleton
scientifique avant deux heures... Ce n’est pas le cycliste?...
Ah! je sais... dites à ce jeune homme de la Revue des Deux
Mondes... Mais, au fait, où donc est mon secrétaire? M. Kri-
janowsky ne siégerait-il pas en son cabinet?
Phrosine secoua la tête.
— Ça n’est rien de tout ça. Monsieur ne sait pas. Mon
sieur, nous avons des souris.
— Des souris? D’où viennent-elles?
— Ah! ça!... D’à-côté, p’t’être bien. L’hôtel du général
Cravel est fermé depuis la guerre. C’est bas c’t immeub’; le
grenier est à hauteur de c’t étage. Alors... en tout cas c’est
vraisemblab’. Mais pour ce qui est d’en avoir, y’en a.
— Les avez-vous vues, Phrosine?
— Non, mais j’ai trouvé leurs ordures, des crottes, quoi!
Et j’ai vu les dégâts. Dans le cabinet de débarras qu’elles
sont venues ; les sales bêtes se sont mises après une année du
journal Les Mystères de la Science et, dans l’entrée, Mon