— D’accord!... Allez, ma bonne Phrosine, ce que vous
ferez sera bien fait.
Huit jours plus tard, la vieille Phrosine reparut, au même
instant et dans des circonstances à peu près identiques. Elle'
avait seulement laissé à son maître le temps d’ouvrir son Con-
dillac à la page 548 du même Tome 2 : « ... Mais si les
bêtes pensent, si elles se font connaître quelques-uns de leurs
sentiments, enfin, s’il y en a qui entendent quelque peu notre
langage, en quoi donc diffèrent-elles de l’homme? N’est-ce
donc que du plus au moins? »
Depuis plusieurs années Dominique Dalibert n’avait pas
ouvert son Traité des animaux à la page 548. Malgré l’an
goisse qu’il recevait du problème posé, il éclata de rire. C’est
que la dernière phrase, clichée dès avant le docte abbé, appar
tenait au vocabulaire de Phrosine la servante. Exemples :
(( Que Monsieur reçoive ces jeunes messieurs ou qu’il dise à
Monsieur Kirjaloki ce qu’il doit leur répondre, ça n’est jamais
que du plus au moins. — Que Monsieur sajète un parapluie
tout soie de quatre-vingt-dix francs qui lui fera un an ou deux
méchants parapluies de sirlésienne en coton à quarante-cinq
francs, ça n’est toujours que du plus au moins. » Mais quand
Dominique Dalibert riait, il ne tardait pas à en avoir une
espèce de honte. Il s’arrêta court, et vit devant lui la servante.
— Qu’est-ce encore, Phrosine?
— Monsieur, c’est les pièges qui ne valent rien comme tout
ce qu’on vend depuis la guerre. Les souris ont mangé le lard
américain et n’ont pas été prises; malheureusement elles se
sont faufilées, jusque chez M. Kirjaloki où qu’elles lui ont
mangé deux numéros du Bulletin des Amis du Muséum et
jusqu'à un coin du garde-feu en tapisserie que Madame y
avait passé trois mois.