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Ses tapis ne rappellent en rien cet Orient fastueux et roman
tique qu’on évoque, sans le vouloir, au mot tapis. Ils sont
à la fois plus simples et plus riches. Pour les orner, Cockx
a abandonné résolument le dessin décoratif et sentimental des
orientaux et de leurs continuateurs. Sous vos pieds, l’artiste
n’a mis ni fleurs déguisées, ni animaux fabuleux, ni person
nages. L œil ne rencontre qu’un dessin purement constructif,
permettant au corps de jouir sans mélange de la joie de
marcher sur quelque chose de souple et de silencieux. Cette
sensation n’est pas causée par la technique employée à la
confection du tapis, qui est à point noué, mais uniquement
par l’absence d’éléments empruntés à la vie animale ou végétale.
Sans le vouloir, on éprouve toujours quelque vague appré
hension a écraser telle rose ou le visage épanoui de tel
personnage.
Joseph Prudhomme prétend que les tapis sont faits pour y
mettre les pieds, et il a raison. C’est pour avoir oublié cette vérité
essentielle que les tentatives que l’on fit avant la guerre pour
en rénover le dessin, furent vouées à un échec complet. Sans
doute, quelques artistes produisirent-ils des décors agréables à
la vue, mais ce ne furent jamais de vrais tapis. Ils n’osèrent pas
rompre avec la tradition et, sacrifiant à la mode du temps, créèrent
des dessins où la rose se mariait étrangement à la Bacchante ou à
la femme nue. Ces sortes de figurations, qui prétendaient donner
au tapis un aspect de jardin suspendu ou de paradis d’Allah, ne
purent jamais avoir une vie bien longue. Elles étaient dues à la
mode et périrent avec elle. L’outil, l’ustensil, le meuble, ne sauraient
être beaux que si la forme et l’ornementation en sont simples et
répondent au but proposé.