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Je sais qu’il y a beaucoup d’automatisme
dans la production des œuvres de l’art, mais
ce n’est pas cet automatisme d’impulsion que
vous proclamez, mais un automatisme d’ins
piration. Et les psychologues font bien la
différence.
Maintenant, cette façon d’écrire, en laissant
courir la plume sous l’impulsion d’une dictée
automatique qui jaillit du rêve, c’est enlever
au poète et à la poésie toute la force de son
délire naturel (naturel dans les poètes), c’est
lui ôter le mystère racial de son origine et de
son exécution, tout le jeu de l’assemblage des
mots, jeu conscient, même dans la fièvre du
plus grand lyrisme, et qui est la seule chose
qui passionne le poète.
Si l’on m’arrachait l’instant de la produc
tion, le moment merveilleux du regard ouvert
démesurément jusqu’à remplir l’univers et
l’absorber comme une pompe, l’instant pas
sionnant de ce jeu de rassemblement sur le
papier, de cette partie d’échecs contre l’infini, le
moment unique qui me fait oublier la réalité
quotidienne, je me suiciderais.
Ma vie ne tient qu’à ce moment de délire.
Je trouve que le reste ce n’est pas la peine de
l’endurer.
Le poète n’a aucun plaisir dans sa vie qui