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contact du hasard ou d’une préméditation d’ordre in
tellectuel et mystérieux. Nous sommes loin des rai
sonnements de Matisse sur la sensibilité des lignes
et des masses dans les limites variables du tableau.
Nous sommes loin aussi des divertissements de Pi
casso, de l’évocation volontaire du Mystère de Chirico,
ou des prétextes hermétiques de Mirô, des associa
tions surréalistes de Max Ernst... Quelques peintres
ont pensé s’approcher de la plastique pure parce qu’ils
n’employaient que des triangles, des carrés et des cer
cles, ou parce que, comme Ozenfant et Jeanneret, ils
obligeaient des formes concrètes à subir à l’intérieur
d’un cadre, les lois de plastique pure qu’ils avaient
inventées. C’est un enfantillage, et c’est reculer pour
mieux sauter. Man Ray a su sauter. Aux spectateurs
de distinguer ce qui se passe au-delà de la frontière
dont ils ont fait la limite, par préjugé, de leur enten
dement.
Mais à ce sujet, des remarques s’imposent. Il n’est
pas de formes tracées en dehors de tout souci de
représentation qui ne créent des objets à leur image.
De gré ou de force, elles deviennnt imitation de ce
qu’elles sont censées représenter. La plastique pure
à peine née n’est plus de la plastique pure, mais art
d’imitation. Les formes abstraites ne sont plus que la
projection d’un univers abstrait, abstraction toute
figurée et qui devient synonyme de métaphysique, car
il apparaît impossible au sens commun que des for
mes tracées soient autres que concrètes.
Et si l’on veut élargir ces considérations et em
ployer d’autres images, je dirai que si Dieu a fait le
Monde, celui-ci se passe de Dieu quand il ne se
révolte pas et comme Prométhée ne lui dérobe pas sa
force. De même lorsqu’un peintre comme Man Ray
crée un univers plastique où cependant il n’a rien