Les « reliefs » de Arp, qui participent de la lour
deur et de la légèreté d’une hirondelle qui se pose
sur un fil télégraphique, ces reliefs qui empruntent
dans leur savante coloration tous les ramages de
l’amour et auxquels, en même temps, leur découpage
hâtif confère tous les déliés de la colère, ces boucles
dures ou tendres sont bien pour moi ce qui résume le
mieux les chances de généralité des choses particu
lières, ce qui me permet de faire le plus faible état
de la variante.
<( Nature morte : Table, montagne, ancres et nom
bril » (Prononcez ombril. Ce n’est pas en vain que
Arp s’applique singulièrement à faire entendre ainsi
ce mot : un nombril, des ombrils. Qui sait si la tache
d’ombre n’est pas précisément pour lui cette petite
couronne noire qu’il répand à profusion sur ses plan
ches d’animaux, de plantes et de pierres? Ombril, mot
étrange, lapsus que je n’hésiterai pas à qualifier de
tragique, serpent sous roche, idée, Idée immobile au
seuil de l’esprit, idée que l’esprit chaque jour heurte
au passage et qu’il n’affronte pas!) L’heure de la dis
tribution, avec Arp, est passée. Le mot table était un
mot mendiant, il voulait qu’on mangeât, qu’on s’ac
coudât ou non, qu’on écrivît. Le mot montagne était un
mot mendiant : il voulait qu’on contemplât, qu’on esca
ladât ou non, qu’on respirât. Le mot ancres est un mot
mendiant : il voulait qu’on s’arrêtât, que quelque chose
rouillât ou non, puis qu’on repartît. EN RÉALITÉ, si
l’on sait maintenant ce que nous voulons dire par là, un
nez est parfaitement à sa place à côté d’un fauteuil, il
épouse même la forme du fauteuil. Quelle différence
y a-t-il foncièrement entre un couple de danseurs et
le couvercle d’une ruche? Les oiseaux n’ont jamais
mieux chanté que dans cet aquarium.
ANDRÉ BRETON.